Appel =?utf-8?Q?=C3=A0_?=contribution: colloque La langue, la voix, la parole

Amr Ibrahim ahi779 at YAHOO.FR
Fri Jul 13 15:27:46 UTC 2012


 
APPEL A CONTRIBUTION  - 1ère circulaire
 
Colloque international
La langue, la voix, la parole
 
Organisé par Amr
Helmy Ibrahim à la Maison de la Recherche de Paris-Sorbonne
les 17, 18 &
19 janvier 2013 
 
 
            Lorsque
la voix décline une langue, elle livre toujours un début et une fin, une durée
qui est aussi un mouvement et une modulation, une scansion,  une identité catégorisée et aussi spécifique
qu’une empreinte digitale, une charge plus ou moins négative ou positive
d’affectivité,  l’infrastructure d’une musique
et enfin, mais seulement à la fin, un sens.
 
            La
voix peut avoir une valeur esthétique ou patrimoniale. Elle est toujours,
qu’elle ait été enregistrée par un appareil ou par la mémoire humaine,
distinctive. On conserve, à peu de chose de près, sa voix, longtemps après avoir
été dépossédé de son image et c’est par sa voix qu’on est, malgré le temps
passe, le mieux reconnu.
 
            Aucun
art, aucun outil, ne peut prétendre, lorsqu’il est passé par le crible de la
langue, à une aussi parfaite complétude.
 
            C’est
que la langue, probablement le seul trait absolument distinctif de notre
espèce, pourrait bien être le produit d’une triple adéquation : d’abord entre
une forme harmonique élémentaire, la syllabe, et un modèle potentiellement
paradigmatique de référence, une virtualité sémantique; ensuite entre ces
entités acoustiques autonomes qui se chevillent à des realia et  des catégories grammaticales; enfin entre ces
formes harmoniques complexes que sont les schémas prosodiques et constructions
syntactico-sémantiques que sont les  schémas de phrases. Avec cette dernière adéquation, la complétude
harmonique et la bonne formation grammaticale se rejoignent pour produire l’énoncé
de l’événement prédicatif.
 
A chacune de
ces étapes, le sens ne prend forme qu’à la condition expresse que les
modulations qu’une personne imprime à sa voix fassent consensus, c’est-à-dire
qu’on y démêle une parole commune – interprétée conventionnellement - et une
inflexion personnelle – interprétée subjectivement -, une référence partagée –
consignée dans les ouvrages patrimoniaux et la mémoire collective - et un
rapport nouveau, sélectif ou atypique à cette référence. Les constituants de
chacune de ces trois étapes s’articulent selon une configuration  triangulaire qui mobilise à chaque fois, un
schème harmonique, une classe de relations phono-syntaxiques et un modèle
potentiellement paradigmatique de référence.
 
Nous n’avons
aucune prise reproductible sur le modèle potentiellement paradigmatique de
référence, c’est-à-dire sur les virtualités de la sémantique de la cognition,
autrement qu’en analysant notre rapport aux formes harmoniques et à la manière
avec laquelle nous les articulons aux formes grammaticales.
 
            En
d’autres termes, pour faire sens, les inflexions, les modulations, les découpages
et les battements de la voix, qu’elle soit ou non chantée, sont sommés
d’établir une congruence particulière entre des configurations harmoniques et
des configurations grammaticales, entre une forme qui est acceptée du fait
qu’elle correspond à un accord musical et une autre forme qui n’est acceptée
que parce qu’elle se plie aux règles d’une grammaire. Le sens n’existerait pas
sans cette articulation fondatrice.
 
            Nous
invitons tous ceux, linguistes et non linguistes, qui se sentent concernés par
les effets et les pouvoirs de la voix humaine à interroger ces articulations et
cette congruence.  A les illustrer ou à
les infirmer. En se focalisant de préférence sur des propriétés mesurables,
reproductibles et représentables.
 
            Les
contributions pourront se positionner dans cinq domaines qui sont aussi cinq
champs de recherche actuels sur le sujet :
 
(1) La recherche fondamentale sur le rapport entre la dimension
sonore des langues, leur dimension grammaticale et leur dimension signifiante.
De la phonologie de la phrase de Karcevsky (1930) à la triple adéquation de
Ibrahim (2009 & 2010) en passant par Rossi (1999) et Martin (2009) toutes
les options sont ouvertes pour poser le problème.
(2) La place de la voix dans la recherche sur les origines des
langues. On pourra partir entre autres de Carstairs-McCarthy (1999).
(3) Le rôle des différents aspects de la dimension sonore dans
l’acquisition de la langue. On trouvera notamment matière à réflexion dans
Castarède & Konopczynski (éds) (2005) et dans Martel & Dodane (2012) 
(4) La place et la fonction de la voix dans la didactique des langues.
On peut réagir entre autres à Gillie-Guilbert (2005).
(5) La part des caractéristiques vocales dans la formation du
jugement et la naissance des émotions. On pourra prolonger ou discuter Zei
Pollerman (1995 & 2005) et Caelen-Haumont (2002 & 2007)
 
            Une
suggestion, une question et une prise de position.
            
Dans une
mémoire rêvée, Verlaine ne retient, pour rappeler à la vie l’aimée, que
l’articulation de son nom, les traits de sa voix. Aucune autre dimension
physique caractéristique de la personne n’est retenue, ni la couleur ou le
contact des cheveux, ni le dessin ou la couleur des yeux, ni même la
physionomie, rien qu’un regard de statue et, détaillée, une voix :
 
            Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
            Son nom ? – Je me souviens qu’il est doux et sonore
            Comme ceux des aimés que la Vie exila.
 
            Son regard est pareil au regard des statues
            Et pour sa voix, lointaine et calme, et grave, elle a
            L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
 
            D’où vient à la voix cet empire ?
 
            Probablement
du fait qu’elle peut simuler la plupart des effets qui ne sont pas dans ses
cordes sans que la réciproque ne soit vraie. Et que même quand elle n’a pas
tout dit, transmis ou montré, elle a envahi plus qu’aucune autre action
sensible la quasi-totalité de l’espace perceptible, imposé une réaction et un
jugement qui embrassent l’événement dans sa globalité.
 
            On
aura certes beau jeu d'invoquer ce que la voix ne peut pas faire et qui a toujours
été le domaine réservé des arts plastiques – peinture, photographie ou cinéma
-: animer un geste, pointer, orienter, délimiter une forme, définir
une perspective, contraster un objet ou jouer des effets sur son relief de la
lumière ou de la couleur, faire du volume ou de l'épaisseur de l'être ou de
l'objet sa propriété définitoire.
 
            On pourra aussi, on pourra surtout opposer à la voix
le contact et le goût qui définissent un être ou un objet par sa texture, sa malléabilité, sa résistance, sa solidité, sa souplesse, sa densité, sa rigidité, sa flexibilité, sa profondeur, mais aussi son électricité, sa chaleur.
 
            On pourra enfin, identifier, juger, accepter ou
rejeter l'ensemble de l'être ou de l'objet sur la foi de sa seule odeur etfaire des paramètres du parfum la source unique de la sensation.
 
            Mais
contrairement à la voix qui convoque d'emblée et simultanément la personne qui
l'a produite en même temps que la totalité de la langue où elle a pris sons
sens, le geste, l'image, et même le toucher ou l'odeur n'ont de sens que s'ils
sont déchiffrés par un code qui leur est étranger. Alors que la voix est
constitutive de celui qui la produit et de ce qu'elle signifie autrement dit
qu’elle est à la fois l’auteur, l’instrument et le code de ce qu’il y a à comprendre,
les autres organes et systèmes de production et de perception humains ne
prennent sens qu’en dehors d’eux-mêmes.
 
            La
voix compense son impuissance à délimiter les formes – à les dessiner - à
représenter le mouvement – par des gestes – et à décomposer la lumière – par
des couleurs – en occupant entièrement l’espace où elle se déploie avec des
modulations qui le subdivisent, le hiérarchisent et y mettent en scène des
mouvements inséparables de leur effet. Et ceci à un niveau premier, antérieur à
celui auquel les artistes ou le commun des mortels établissent dans leur
expression des synesthésies ou exploitent des associations métaphoriques.
 
La voix de
l’Autre – où nous reconnaissons la nôtre -, des Autres – à laquelle on s’ajuste
on dont on se démarque -, d’un Autre – que nous empruntons spontanément ou en
la théâtralisant – peut aussi être la source de toute voix, la forme qui fait
de la voix proférée dans l’empan d’un canon plus ou moins contraignant, un acte
instituant et un modèle potentiellement paradigmatique de référence comme cela
s’est vraisemblablement produit à la naissance des langues et comme cela se
produit lorsque la parole s’institue en norme ou se donne comme sacrée. Dans
tous ces cas, le mode de production de la voix – chuchoté, susurré, parlé,
déclamé, dicté, chanté, entonné, psalmodié, récité, … - surimpose une classe de
significations plus ou moins compatibles avec le sens proprement dit et
articule la parole de l’individu énonciateur à d’autres paroles selon des
configurations préétablies et strictement régulées, traçant des frontières qui
peuvent être, selon les protocoles reçus de construction du sens dans une
communauté de langue et de culture, plus ou moins mouvantes et sans enjeux
décisifs ou au contraire particulièrement étanches et objet d’enjeux où une
communauté investit son identité et l’idée qu’elle se fait de son excellence et
de sa pérennité. 
 
******* Les
interventions, obligatoirement en langue française, s’étaleront sur 45 minutes
dont cinq à dix minutes de discussion, les jeudi 17 (9h à 18h), vendredi 18 (9h
à 18h) et samedi 19 (9h à 13) janvier 2012. Le colloque se tiendra à la Maison
de la Recherche de l’Université Paris-Sorbonne (28, rue Serpente 75006 Paris).
 
******* Les
propositions d’intervention  - n’excédant
pas une page (Times 11 – simple interligne) – sont à adresser à cellulerecherchelinguistique at gmail.com avant le 30 septembre 2012 avec deux fichiers au format word pour pc : une
page anonyme contenant la proposition et une fiche nominative de l’intervenant
comportant impérativement ses coordonnées électroniques, postales et
téléphoniques ainsi que son statut professionnel. Les auteurs seront notifiés
de l’acceptation ou du refus de leur proposition avant le 31 octobre 2012. Les
auteurs des propositions retenues s’engagent alors à fournir avant le 30
novembre un résumé long (1500 à 2000 mots références comprises).
 
******* Le
programme définitif sera mis en ligne dans le courant de la première moitié de
décembre 2012. Les droits d’inscription pour les intervenants (80€ couvrant le
livret comportant les résumés des interventions, les repas de midi de jeudi et
vendredi et les pauses café) devront être réglés par virement avant le 31
décembre 2012.
 
******* Les
communications effectivement présentées et elles seules, feront l’objet d’une
publication qui sera soumise à une deuxième évaluation.
 
******* Le
comité scientifique du colloque, en cours de constitution, figurera sur la
prochaine circulaire. 
 
 
Contact du
colloque   cellulerecherchelinguistique at gmail.com     
 
 
Références
 
Caelen-Haumont,
Geneviève, 2002, Prosodie et dialogue spontané: valeurs et fonctions
perlocutoires du mélisme, Travaux Interdisciplinaires du Laboratoire Parole
et Langage, vol. 21, 13-24.
Caelen-Haumont
, Geneviève & Zei Pollermann, Branka, 2007, Voice
and Affect in Speech Communication ,  K. Izdebski Ed : Emotions in the Human
Voice, Volume 1, 215-232, Plural Publishing.
Carsters-McCarthy,
Andrew, 1999, The Origins of Complex Language : An Inquiry into the
Evolutionary Beginnings of Sentences, Syllables, and Truth, Oxford / New
York: Oxford University Press, 260 p.
Castarède, Marie-France & Konopczynski, Gabrielle,
(éds), 2005, Au commencement était la voix, Collection La vie de
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Lien : http://www.cairn.info/au-commencement-etait-la-voix--9782749205311.htm.
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Gillie-Guilbert,
Claire, 2005, Variations sur la voix des enseignants, Au commencement était
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Toulouse : ERES, 87-96.
Hockett,
Charles F., 1960, The Origin of Speech, Scientific American 203/3,
89-97.
Ibrahim, Amr Helmy, 2009, Les conditions de la prédication dans
les langues, Prédicats, prédication et structures prédicatives, (Amr
Helmy Ibrahim éd.), Paris : CRL, 12-49.
                2010, Supports
d’actualisation et dualité constitutive de la prédication, Supports et
prédicats non verbaux dans les langues du monde, (Amr Helmy Ibrahim éd.),
Paris : CRL, 36-73.
Karcevski, Serge, 1930, Sur la
phonologie de la phrase, in (Karcevski, Serge, 2000, Inédits et
introuvables, Textes rassemblés et établis par Irina et Gilles Fougeron –
Collection linguistique de la Société de Linguistique de Paris – LXXX), Communication
présentée le 19 décembre 1930 à la Réunion phonologique internationale à Prague – Publiée pour la 1ère fois dans le n°4 des Travaux du Cercle
linguistique de Prague (1931 : 188-227), Leuven : Peeters,
87-124.  
Martel, Karine, & Dodane, Christelle, 2012, Le rôle de la prosodie
dans les premières constructions grammaticales : étude de cas d’un enfant
français monolingue, French Language Studies 22, Cambridge University
Press, 13-35.
Martin, Philippe, 2009, Intonation
du français, Paris : Armand Colin, 254p.
Martinet, André, 1960 – 2003, Éléments de
linguistique générale, Paris: Armand Colin [Pour la double articulation cf pp. 13-15 de la 4e éd. de 2003].
Mersenne, Marin, 1636, Harmonie
universelle, contenant la théorie et la pratique de la musique, 3 vol.,
Paris: Sébastien Cramoisy - Réimprimé en 1965 par le CNRS, [Livre premier Traitez
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l'Université d'Indiana).
Rossi, Mario, 1999, L’intonation,
le système du français : description et modélisation, Paris :
Ophrys, 237p.
Rousseau, Jean-Jacques, 1753, Lettre
sur la musique française, 25p. Lien : http://www.musicologie.org/theses/rousseau_lettre.html 
Zei, Branka, 1995, Au commencement
était le cri. Note sur la voix humaine, son importance et ses infinies
subtilités, Le temps stratégique, 96-105.
Zei
Pollermann, Branka, 2005, Qu'exprime la prosodie affective : l'état du corps ou
l'état de l'esprit? Proposition
d'un modèle unifié de l'émotion et de cognition, Au commencement était le
cri, Castarède, Marie-France & Konopczynski,
Gabrielle, (éds), Toulouse : ERES, 97-104.
 
 
 
     
 
                  
 
Amr Helmy IBRAHIM - Linguiste
Professeur à l'Université de Franche-Comté
Directeur de Recherches à Paris-Sorbonne

Chercheur à l'IFAO (Institut Français d'Archéologie Orientale du Caire)
Président de la CRL (http://www.cereli.fr)


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