r and s yet again

Kevin Tuite tuitekj at ERE.UMontreal.CA
Mon Oct 26 16:59:34 UTC 1998


----------------------------Original message----------------------------
 
 
In a recent posting, Ralf-Stefan Georg asked "what is the evidence for r >
z being more wide-spread" or, well, "natural" ? What parallels can be found
?"  Phonetic changes similar in some respects to the shift r > z postulated
by some Turkologists have been attested. One of them is an interesting
chapter in the sociolinguistic history 13th-16th century French, of a sound
change that subsequently was beaten back. One of the few traces remaining
in the standard language of this event is the word "chaise", which I
discuss in a forthcoming article (see excerpt below). Another potentially
useful case is the women's pronunciation of Chukchee, as described by W.
Bogoras in the Handbook of American Indian Languages (sic): "Women
generally substitute /sh/ for /ch/ and /r/". It is, I believe, important to
note that both these sound shifts (1) uvulaire (not alveolar) /R/ becomes a
fricative; (2) are sociolinguistically sensitive. Any ideas why?
 
Kevin Tuite
 
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(from "Au-delà du Stammbaum : Théories modernes du changement linguistique"):
 
Le mot 'chaise' remonte, comme l'indiquent les dictionnaires, au latin
'cathedra', lui-même emprunté au grec. 'Cathedra' a subi une succession
complexe de lénitions successives pour aboutir, plusieurs siècles plus
tard, à 'chaire'. La transformation de la forme de ce lexème a été l'effet
de lois phonétiques régulières (cf. le sort du lat. 'fraxinum' > 'frêne',
ou de 'pectinum' > 'peigne'). C'est la toute dernière étape, [Se:R] >
[Se:z], qui nous pose problème. Si la transformation de la dernière
consonne de 'chaise' représentait le résultat d'une loi phonétique, comment
doit-on expliquer la prononciation actuelle de 'père', 'mère', 'arrière' et
de celle de dizaines d'autres mots présentant le même contexte phonologique
(y compris les homophones 'chair' et 'chaire')? Heureusement, l'histoire
nous a conservé quelques témoignages pertinents. Déjà au 13ème siècle, des
documents provenant des régions centrale et sud-est de la zone du français
proprement dit (la "langue d'oïl") indiquaient "une tendance à
l'assibilation de r intervocalique"; deux siècles plus tard, la même
tendance a fait son apparition "dans le parler vulgaire de la capitale", où
elle a même attiré l'attention d'Érasme en 1518 "Idem faciunt hodie
mulierculae parisinae pro Maria sonantes Masia, pro ma mere, ma mese"
(Fouché 1961: 603). Paradoxalement, un deuxième observateur à Paris, quinze
ans après Érasme, a pris note de la prononciation de courin pour 'cousin' -
cette fois, c'est le [z] qui a cédé sa place à l'[R]. Encore plus
paradoxalement, toutes les deux substitutions, l'une exactement à l'inverse
de l'autre, se notent dans une expression relevée en 1529 à Bourges: Jerus
Masia! (Meyer-Lübke 1974: 408). Un siècle plus tard, un écrivain parlait au
passé de cette vague de substitutions de phonèmes qui avait frappé la
langue de Villon: "Nos Parisiens mettoient autrefois (mais cela ne se fait
plus ou c'est fort rarement et seulement parmi le menu peuple) une s au
lieu d'une r et une r au lieu d'une s" (loc. cit.) Que s'est-il passé? Le
post mortem offert par W. von Wartburg (1988: 156) est instructif; à son
avis, il s'agissait "d'un mouvement avorté, parce que rejeté par les
classes supérieures". Rapidement après que cette "contagion" linguistique
eut gagné la capitale, "les classes supérieures résistèrent, elles
n'acceptèrent pas ce changement venu d'en bas. Cette réaction eut même pour
conséquence que les gens du peuple ne savaient plus quand il fallait
prononcer r. Par peur de s'exposer à des critiques on se mit à remplacer
par r même les z qui étaient justifiés étymologiquement. On trouve donc des
formes comme rairon et courin. Mais en général le rétablissement se fit
correctement. On sait qu'un doublet est resté: chaire - chaise". En lisant
cette histoire trois décennies après la publication des premiers ouvrages
de W. Labov, on a le sentiment de déjà vu. Les phénomènes qui, selon la
description de von Wartburg, accompagnait cette guerre entre
"l'inconscient" et "la raison" portent aujourd'hui des noms qui font
désormais partie du vocabulaire technique de chaque linguiste (et dont
l'un, au moins, aurait sonné familier au romaniste allemand): le
"changement par le bas" et l'"hypercorrection"
 
 
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Kevin Tuite                         514-343-6514      (bureau)
Département d'anthropologie         514-343-2494 (télécopieur)
Université de Montréal
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