[parislinguists] [echos] Séminaire dialogue-5 avril: A. Bouvier
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Wed Mar 31 12:50:30 UTC 2004
De: Francis Corblin <Francis.Corblin at paris4.sorbonne.fr>
Points de vues sur le dialogue
Université Paris-Sorbonne 1, rue Victor Cousin, 75005 Paris
Salle F.040 , Lundi de 15 h à 16h 30
Organisation : Francis Corblin (Université Paris-Sorbonne et Institut
Jean-Nicod).
5 avril A. Bouvier
(Université de provence & Institut Jean-Nicod)
Philosophie sociale et dialogisme. A partir d'Habermas.
Axe de lecture et conseils bibliographiques corrélatifs.
L’oeuvre de J. Habermas a une ambition totalisante, de sorte qu’il est
impossible d’en avoir une compréhension globale sans une connaissance
solide d’au moins deux traditions, philosophique et sociologique.
C’est, d’abord, en effet, le parcours synthétique d’une pensée se
développant par la réappropriation toujours poursuivie de la pensée des
classiques comme des contemporains. Même une somme comme la Théorie de
l’agir communicationnel (2 tomes, 448 + 480 pages, Fayard, 1987 [1981])
« se contente », pour ainsi dire, de réinterpréter, au demeurant
profondément et avec une science impressionnante des débats
contemporains, les classiques de la sociologie. Rien, pour ainsi dire,
dans ce livre, ne concerne les grands classiques de la philosophie,
dont Habermas fait aussi, par ailleurs, dans son œuvre, une magistrale
lecture, lecture qui domine _ de très haut _ la lecture des sociologues
(au sens où elle la « cadre »). Habermas, en effet, ne renonce pas, à
la différence de la plupart des contemporains, à développer une théorie
« transcendantale », c’est-à-dire une recherche des conditions de
possibilités a priori (ou universelles) de la connaissance, de la
morale, du droit, etc., qui transcende par définition toute situation
particulière, sociale ou/et linguistique.
D’un autre côté, cette volonté de tout intégrer multiplie, de fait,
les voies d’accès même si aucune n’épuise l’ensemble. On peut ainsi
entrer dans Habermas à partir d’un ou deux auteurs, par exemple
philosophes : Kant (ou Fichte) et Peirce (ou Wittgenstein) ou bien
sociologues : G.-H. Mead. IOu encore à partir d’u domaine, par exemple
de la pragmatique (de Searle à Brandom) ou même de la psychologie
morale de l’enfant. On peut ajouter que Habermas passant l’essentiel de
son temps à exposer et à discuter les théories d’autres auteurs, le
contenu proprement positif (c’est-à-dire non critique) de sa propre
théorie n’est ni extrêmement étendu ni très technique. Il est même
courant, dans chacune des disciplines concernées, dès lors qu’elles ont
un idéal scientifique, de lui reprocher le manque d’analyticité de ses
concepts. Mais c’est un reproche qui est fait, de façon très générale,
aux philosophes dits « continentaux ».
Je rentrerai ici dans Habermas plutôt à partir de la théorie de
l’argumentation (notamment Toulmin) pour la raison essentielle
suivante. En gros, en effet, on peut dire que le concept de dialogue a,
dans le contexte des débats habermassiens, un sens extrêmement général
et assez vague et que c’est le concept d’argumentation qui le spécifie.
On oppose souvent, dans ces contextes, le dialogique au monologique. En
gros, encore, la pensée monologique est caractéristique, selon
Habermas, de toute la pensée occidentale (Descartes et Kant, pour les
philosophes, Weber, dans une moindre mesure, pour les sociologues).
Habermas crédite K.-O. Apel, son maître et ami, traducteur de Peirce en
allemand, de lui avoir fait accomplir le tournant linguistique ou
communicationnel, lequel a donné à l’œuvre de Apel puis à la sienne une
forme foncièrement « dialogique». Du côté de la sociologie (dont Apel
se désintéresse, quant à lui), Habermas accorde à G.-H. Mead une place
à peu près symétrique de celle de Peirce en philosophie. Mais ce qui
intéresse Apel comme Habermas, c’est le « dialogue » ou la
communication argumentée. Et, plus que Apel, Habermas discute les
théoriciens de l’argumentation, notamment Toulmin. Une autre raison de
rentrer par la théorie de l’argumentation est que c’est un moyen de
faire le lien avec la linguistique. Un lien apparemment plus immédiat
serait de passer par la théorie des actes de langage et la discussion
de Searle ou de Brandom. Mais cela ne me semble pas aller aussi
nettement à l’essentiel.
La conception dialogique en question a une dimension à la fois de
théorie de la connaissance (consistant en une « logique de la
discussion », sous-entendu : « argumentée ») et d’éthique politique
(consistant en une « éthique de la discussion », sous-entendu :
« argumentée »)), avec des prolongements en théorie du droit et en
philosophie politique, laquelle est, en quelque sorte,
l’accomplissement de toute la démarche de Habermas (jusqu’à récemment).
Habermas a forgé ainsi l’idée d’une « politique délibérative», qui
constitue une notion intéressante pour diverses raisons, entre autres
pédagogiques car, par les applications auxquelles elle a donné lieu et
donne encore lieu en politique, on voit assez concrètement ce que
Habermas peut vouloir dire, notamment au niveau linguistique ou
socio-linguistique (et, en même temps, au niveau de la « pragmatique
transcendantale » censée dominer ce niveau).
Je compte a) exposer un peu plus le cadre général de la pensée
d’Habermas et ses enjeux essentiels de son propre point de vue ; b)
rentrer davantage dans le contenu de ce qu’il entend par logique de la
discussion et éthique de la discussion, au travers de sa discussion de
Toulmin. ; c) examiner les prolongements de cette pensée au niveau de
la politique délibérative.
Biblio.
J. Habermas, « Théories relatives à la vérité » [1972], notamment
parag. IV « A propos de la logique de la discussion », in J. Habermas,
Logique des sciences sociales et autres essais, PUF, 1987 p. 306-328.
Le point de départ du dialogisme habermassien : la théorie de la
connaissance <Vérité et Justification, (2001)[1999], Gallimard, reprend
ces questions, notamment à travers la discussion du philosophe du
langage américain considéré comme le plus important actuellement par
beaucoup, Robert Brandom, et, au-delà, une grande discussion avec
Richard Rorty, le philosophe de la « conversation ». Cela me semble
nettement moins important pour comprendre Habermas que ce texte ancien,
lequel discute Toulmin dans le détail>
J. Habermas, « Notes programmatiques pour fonder en raison une éthique
de la discussion » in Morale et Communication (1996) [1983], Le Cerf,
p. 63-130. Fondamental ; la pensée dialogique à maturité : l’éthique
<On peut regarder aussi, très proche, De l’éthique de la discussion
(1992), [1991]>.
J. Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, T. 1 (1987) [1981],
« La théorie de l’argumentation » p. 39-59. Dans ce livre, est fait le
lien avec les sciences sociales.
J. Habermas, Droit et démocratie, Gallimard, (1997) [1992], divers
paragraphes, et, notamment chap. VII, « La politique délibérative _ Un
concept procédural de démocratie», p. 311-354. L’achèvement de la
pensée dialogique (au plan juridique et politique).
Note <à titre de pont avec la communication de F. Corblin sur Hamblin>
Beaucoup de théoriciens importants de l’argumentation considèrent que
les deux « leaders » du champ sont Toulmin et Hamblin. Voir, par
exemple, Van Eemeren et Grootendorst et, dans une moindre mesure (car
plus hambliniens que toulminiens), Woods et Walton. Francis Jacques,
auteur d’une philosophie dialogique originale, moins sociologique que
celle d’Habermas et davantage centrée sur les relations
interpersonnelles, a proposé un modèle dialogique de Toulmin (art. dans
DRLAV).
Programme complet du séminaire et documents à:
http://www.sens-et-texte.paris4.sorbonne.fr/~corblin/Documents.html
Francis Corblin
-Universite Paris IV-Sorbonne
UFR Langue francaise, 108 Bd Malesherbes, 75850 Paris cedex 17
Tel: 01 43 18 41 95 Fax: 01 43 18 41 39
- Institut Jean Nicod (CNRS-EHESS-ENS)
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