soutenance de thèse
Benjamin Massot
benjamin.massot at WANADOO.FR
Mon Nov 17 18:46:16 UTC 2008
(je vous prie d'excuser les envois multiples)
chers tous,
j'ai le plaisir de vous annoncer la soutenance de ma thèse intitulée
"Français et Diglossie. Décrire la situation linguistique française
contemporaine comme une diglossie: arguments morphosyntaxiques".
Celle-ci aura lieu le vendredi 28 novembre 2008 à 15h à l'Université
Paris 8, Saint-Denis, salle D123 (détails dans le fichier joint). Vous y
êtes cordialement invités, ainsi qu'au pot qui suivra.
composition du jury:
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Mario Barra Jover (Paris 8, directeur de recherche(s))
Alain Kihm (CNRS/Paris 7, pré-rapporteur)
Danielle Leeman (Paris 10, présidente du jury)
Patrick Sauzet (Toulouse-Le Mirail, pré-rapporteur)
Achim Stein (Stuttgart)
Anne Zribi-Hertz (Paris 8)
résumé:
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Cette thèse reprend le constat d'une variation morphosyntaxique dans les
productions linguistiques des Français systématiquement corrélée à des
considérations sociolinguistiques qui valorisent ces productions si
elles respectent la norme standard et les dévalorisent si elles s'en
éloignent. La thèse soutient l'hypothèse que, parmi trois grands types
de modélisation de ces faits, le modèle de la *diglossie* est le plus
adapté. Ce modèle suppose notamment que les locuteurs, diglosses,
intériorisent deux grammaires distinctes, la grammaire de leur langue
maternelle, acquise « sur les genoux de la mère », et nommé ici le
*français démotique* (FD) et la grammaire standard, celle acquise à
travers l'école et les institutions, et nommée ici le *français
classique tardif* (FCT). Ces locuteurs activent chacune de ces deux
grammaires respectivement dans les situations informelles (comme les
conversations courantes) et dans les situations formelles (la parole
publique, les écrits formels, etc.).
On justifie de poser le débat dans un cadre précis, qui exige
principalement d'une part d'abandonner toute opposition oral-écrit,
notamment dans la transcription des énoncés, laquelle doit renoncer à
l'orthographe traditionnelle pour une représentation phonologique, et
d'autre part de réserver l'étude des productions des Français à leurs
productions spontanées.
Le modèle de la diglossie s'oppose en particulier à deux modèles. Le
premier est celui du « français parlé ». On lui reproche dans cette
thèse de vouloir expliquer la structure grammaticale des productions de
FD parce qu'elles seraient liées à des contraintes spécifiques à l'oral.
Le second modèle que la diglossie entend dépasser est le modèle
variationniste sociolinguistique. Il conçoit la grammaire des locuteurs
comme une grammaire variationniste, c'est-à-dire permettant de produire
indifféremment différentes variantes, le choix de la variante étant
corrélé à la situation dans laquelle le locuteur énonce ces variantes.
Pour que le modèle diglossique soit plus intéressant que ses
concurrents, il faut que les variantes valorisées et leurs concurrentes
dévalorisées soient mieux décrites si on les comprend comme des
variantes générées par des grammaires distinctes, plutôt que générées
par une seule grammaire, laquelle suppose que le résultat de la
variation est alors soit dû à la différence entre le média oral et le
média écrit, soit arbitrairement corrélé à des jugements
sociolinguistiques. Pour suggérer cela, la thèse propose trois types
d'arguments.
Le premier type est un argument descriptif. Son principe est de
constater que modéliser une grammaire qui produise toutes les variantes
visibles en français est une grammaire très difficile à décrire. Au
contraire, décrire séparément les données du FD et les données du FCT
permet deux descriptions chacune nettement plus simple.
Le second type d'argument est comparatif et typologique. Le français
n'étant qu'une langue particulière, et soumise en cela à l'idée que les
langues du monde se ressemblent et que ce qui existe dans l'une doit
être observable dans d'autres langues, on propose de constater a
contrario que le patron de variation du français n'est pas
typologiquement connu à l'intérieur d'une même langue (même lorsqu'on y
oppose une version écrite et une version orale de la grammaire), mais
est plutôt observable quand on compare des langues distinctes.
Ces deux arguments sont appliqués simultanément à trois domaines de la
grammaire. Le premier est le nombre du groupe nominal. On constate que
le nombre du FD et du FCT a une morphologie très similaire, et que son
statut grammatical l'est également, puisque le FD et le FCT se placent,
à quelques détails près, au même niveau d'un modèle typologique qui
relie la morphologie du nombre et la syntaxe des Noms Nus. Il résulte de
cette étude que les noms du français ne sont pas fléchis en nombre (ce
sont les déterminants et les adjectifs pré-nominaux qui le sont), ce qui
est consistant avec l'impossibilité de produire des Noms Nus (comme en
poyaudin et en basque, et contrairement à l'espagnol et l'anglais).
L'hypothèse de la diglossie est trop forte pour décrire ce point de
morphologie grammaticale : il est peu intéressant dans le cas du nombre
de supposer deux grammaires distinctes pour le FD et le FCT.
On étudie ensuite la négation. On justifie de rapprocher la négation
avec /ne/ du FCT des négations dites verbales de l'espagnol et de
l'occitan, tandis que la négation sans /ne/ du FD se décrit mieux comme
une négation de constituant. Il est alors plus intéressant
descriptivement et typologiquement de décrire une grammaire de la
négation pour le FD et une autre pour le FCT.
Le troisième domaine abordé est le cas des différentes possibilités de
référer lexicalement au sujet d'une proposition lorsque son référent est
le topique de la proposition. On voit que le FCT privilégie
systématiquement la construction SVO là où le FD propose très
fréquemment des alternatives comme la dislocation à gauche ou à droite
et les clivées en /avoir/. Il devient intéressant de décrire le FCT
comme une langue SVO, tandis que le FD se laisse classer dans un autre
type, caractérisé par la structure (T) pro-V X (AT) plutôt que SVO des
propositions.
Enfin, la thèse apporte un argument empirique fort. Il s'agit de
constater qu'un locuteur particulier, qui produit dans un entretien des
variantes du FCT et du FD, ne mélange jamais ces variantes. Par exemple,
s'il produit une dislocation à gauche (FD), alors il produit dans la
même proposition une négation sans /ne/ (elle aussi FD). De même, s'il
produit une négation avec /ne /(FCT), alors sa proposition est
systématiquement SVO (FCT également). Ces impossibilités de mélanges
sont observées sur cinq ensembles de variantes. Le résultat de cette
étude empirique est qu'un locuteur n'active bien dans les faits qu'une
seule grammaire à la fois (soit son FCT, soit son FD, mais jamais les
deux à la fois) au sein d'une même proposition.
La thèse conclut sur le constat que les arguments développés suggèrent
que le modèle de la diglossie est provisoirement le mieux à même de
rendre compte de la grammaire des Français qui produisent des variantes
grammaticales standard aussi bien que non-standard.
--
Benjamin Massot
http://inferno.philosophie.uni-stuttgart.de/~benjamin
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