[journée ConSciLa] Sémantique de l'oral spont ané, rencontre entre sémanticiens et spécia listes du français parlé
Régis Missire
rmissire at UNIV-TLSE2.FR
Wed Jan 21 12:23:43 UTC 2009
Chers collègues,
Vous trouverez ci-dessous le programme définitif de la journée
ConSciLa du 06 février 2009.
Cordialement,
Régis Missire
Sémantique de l'oral spontané
Rencontre entre sémanticiens et spécialistes du français parlé
journée ConSciLa du 06 février 2009
ENS, 45 rue d’Ulm – Amphithéâtre Rataud
organisée par Régis Missire
Alors que la syntaxe du français parlé fait depuis de nombreuses
années l'objet de descriptions avancées, la question d'une
"sémantique de l'oral" reste peu explorée : si d'un côté
l'abstraction des conditions effectives de réalisation de la parole
est en effet constitutive pour la sémantique lexicale, la sémantique
textuelle a de son côté notoirement privilégié l'élaboration de ses
modèles à partir de textes écrits. De fait, c'est bien dans les
travaux des spécialistes du français parlé que l'on observe des
intérêts variés pour les questions d'ordre sémantique en relation
avec l’oral : outre les descriptions que les intonologues ont de
longue date consacré aux valeurs sémantiques des contours
prosodiques, on peut également mentionner la Grammaire de
l'intonation (1998) de Laurent Danon-Boileau et Mary-Annick Morel
qui, dans une problématique énonciative, a de fait intégré à son
modèle une composante sémantique (cf. p. ex. la conception
onomasiologique des constituants du "préambule") ou encore les
analyses des reformulations et hésitations caractéristiques de l'oral
spontané de Claire Blanche-Benveniste, qui souligne les aspects
dynamiques de la composition sémantique de l'oral (2005). Diversement
abordées en intonologie, dans les études énonciatives ou en syntaxe,
ces questions sont ainsi restées pour l'essentiel étrangères aux
préoccupations des sémanticiens. Or une sémantique prenant pour objet
les modalités d’assignation du sens aux suites linguistiques peut
éclairer le fonctionnement de l’oral spontané, et s’enrichir de sa
description. Parmi les points de rencontre entre sémantique et oral,
on peut évoquer, notamment, les points suivants :
• Sémantisation du prosodique / prosodisation du contenu : si la
prosodie module le flux expressif et établit des rapports figure /
fond entre les composants de l’énoncé et les domaines ou entités
auxquelles elles renvoient (par exemple le fonctionnement des
contours prosodiques de thématisation comme détachant une partie de
l’énoncé en lui donnant une saillance de figure (Lacheret, François,
2004), certains sémanticiens ont développé complémentairement une
conception prosodique du sens (cf. par exemple le concept de prosodie
sémantique (Louw, 1993), ou appréhendé le plan du contenu dans des
modèles continuistes de type reconnaissance de formes (hypothèse de
la perception sémantique, Rastier 1991). Les approches gestaltistes
en sémantique (Cadiot, Visetti, 2001) permettent notamment de traiter
sur un mode continu (l’isotopie par exemple) les phénomènes
segmentaux : ainsi, en considérant la variété d’empan syntagmatique
au long duquel les formes sémantiques peuvent être lexicalisées, du
plus compact au plus décumulé, devient-il possible de reprendre la
question des relations entre phases amalgamées et décondensées du
discours à tous les paliers de l’analyse.
• Énonciation et reformulation : le locuteur est son premier
interprète, et la profération linguistique n’est pas la simple
actualisation d’un à-dire conceptuel selon une planification
linéaire, mais également une détermination régressive de ce à-dire
par approximations et reprises successives, c’est-à-dire par négation
du déjà-dit. Reformulations, modifications, hésitations, etc. sont
ainsi pour la sémantique un observatoire sur les cours d’action que
constituent l’énonciation et l’interprétation, et un accès privilégié
à la pensée qui s’élabore et se précise dans le temps même de sa
formulation.
• Production spontanée et phases de l’oral : Il importe également de
décrire les régularités sémantiques corrélées aux types d’interaction
et de contexte dans lesquelles les données orales sont recueillies
(discussions à baton rompu, phases cursives plus longues (récit,
témoignage), etc.) dans la perspective d’une poétique des genres de
l’oral, et au-delà des caractéristiques des textualités de l’oral.
En confrontant spécialistes de l'oral - auxquels on a demandé de
centrer leur intervention sur des questions de sémantique - et
sémanticiens - auxquels on a demandé de travailler sur des données
orales -, cette journée d'étude se propose de faire un point sur
cette problématique, et susciter des rencontres entre chercheurs
appartenant à des champs qui se croisent peu.
Programme :
09h15-09h30
Ouverture de la journée
09h30 – 10h15
Claire Blanche-Benveniste (Université de Provence / EPHE)
À propos des interprétations sémantiques des reformulations
10h15 – 11h00
Anne Lacheret (Université Paris X Nanterre - MODYCO), Mathieu Avanzi
(Université de Neuchâtel), Bernard Victorri (ENS, CNRS, Lattice)
Schématisation discursive et schématisation intonative : question de
« genre » ?
11h00 – 11h15
pause
11h15– 12h00
Régis Missire (Université Toulouse 2 - CPST / ITEM – CNRS), Catherine
Rouayrenc (Université Toulouse 2 – CPST)
Sémantique du préambule : descriptions de la périphérie gauche de
l'énoncé oral spontané
12h00 – 14h00
Repas
14h00 – 14h45
Simon Bouquet (Université Paris X Nanterre)
Le programme néosaussurien et la sémantique de l’oral
14h45 – 15h30
Bill Louw (Université du Zimbabwe)
La prosodie sémantique : miroir de la variation contextuelle, à
l'écrit comme à l'oral
Communication inédite présentée en français par Carmela Chateau
(Université de Bourgogne)
15h30 – 15h45
Pause
15h45 – 16h30
Mary-Annick Morel (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle (EA 1483)
Mouvements du regard, des mains et de la mélodie : coénonciation,
colocution et gestion du sens dans le dialogue en français.
16h30 – 17h30
Synthèse des travaux / discussion générale
À propos des interprétations sémantiques des reformulations
Claire Blanche-Benveniste
Professeur émerite, Université de Provence / EPHE
Les phénomènes nommés reformulations - ou bribes[1], ratés,
réparations, disfluences – sont présentés comme des caractéristiques
de l’oral spontané. Dans les cas les plus nets, comme en (1), la
plupart des analyses identifient une « erreur », quatre ans, un «
indicateur » d’erreur pardon, et la « réparation » de l’erreur, trois
ans (en anglais reparandum, editor et repair[2]) :
(1), cela fait quatre ans que je pardon trois ans que je travaille à
la salle
Pendant toute une période, ces phénomènes ont été étudiés en français
surtout pour leur intérêt pragmatique : nombreuses reformulations
dans les interactions, relations des locuteurs à leurs énoncés,
traces de la planification des discours, etc. Du point de vue de la
grammaire de la langue, ils étaient généralement vus négativement,
comme s’ils témoignaient que les locuteurs ne pouvaient pas en temps
réel répondre à toutes les contraintes que leur imposerait la
grammaire. Pour en rendre compte, disaient Apothéloz et Zay (1999),
il valait mieux « s’affranchir de certaines attentes
morphosyntaxiques ». Ces phénomènes semblaient avoir peu d’intérêt
sémantique[3]. Depuis les années 2000, ils intéressent les
traitements automatiques du langage cherchant des modèles d’analyse
(parsers) capables de décrire les productions orales spontanées. Du
coup, il est question de créer des parsers qui seraient aussi
efficaces que les humains dans le traitement de ces « réparations
» (Ferreira & Bailey 2004 ; Heeman, McMillin & Yaruss 2006) et ces
phénomènes sont interprétés dans des perspectives différentes de
celles de l’erreur et plus orientées vers les mécanismes cognitifs.
Je voudrais proposer quelques pistes d’interprétation sémantique pour
certains types de reformulations en forme de listes énumératives
(entassements, piles[4]), qui ont une structure proche de celle des
coordinations. En ce cas, ce qui a souvent gêné l’analyse c’est la
difficulté à leur trouver un statut syntaxique satisfaisant, à
traiter du caractère intentionnel ou non de leur production et à leur
fournir un sens autre que celui de l’erreur. Pour décrire ces
formulations, je ferai l’hypothèse qu’il ne s’agit pas de la
difficulté à trouver une bonne dénomination pour un référent qui
existerait préalablement à sa désignation mais qu’il s’agit très
souvent de construire un référent et de le construire à travers des
approximations successives, sans que le référent soit toujours
réellement accessible par l’auditeur.
c’est une sorte de comment dire pas peut-être une insulte mais un mot
pour désigner quelqu’un
Le rapprochement qui me semble éclairant, dans ce domaine, est celui
qu’on peut faire avec des formes de littérature contemporaine
(Michaux, Ponge, Pinget, Claude Simon), qui ont précisément orienté
toute leur œuvre vers cette difficulté à constituer des référents.
Références bibliographiques :
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Schématisation discursive et schématisation intonative :
question de « genre » ?
Anne Lacheret, Mathieu Avanzi, Bernard Victorri
Laboratoire MODYCO, Université de Nanterre, Paris Ouest, France
Université de Neuchâtel, Suisse
ENS, CNRS, Lattice, Paris
Cette communication s’ancre sur les concepts d’espace scénique et de
géométrie intonative que nous travaillons dans une approche
contextualisée de la prosodie, fondée sur l’hypothèse majeure «
qu’énoncer, c’est construire un espace, orienter, déterminer, établir
un réseau de valeurs référentielles, bref un système de repérage.
» (Culioli 1999).
Jusqu’à présent, nous nous sommes appuyés principalement sur des
discours narratifs (récits de vie en situation radiophonique) pour
sonder cette hypothèse (Lacheret & al. 1998, Lacheret 2003). Il
s’agit ici d’explorer un tout autre type de données, ou autre genre :
des séquences explicatives extraites de corpus d’itinéraires, dont
les premiers fondements d’analyse intonative sont présentés dans
Lacheret & al. (2007)[5]. Deux modes de représentation sont ici en
jeu : spatiale (évocation de lieux) et procédurale (déplacement).
Autrement dit, un parcours dans l’espace peut être analysé de manière
schématique comme un but à atteindre, le point d’arrivée, composé
d’un ensemble de sous-buts, ou étapes intermédiaires au trajet. Le
déplacement entre le point de départ et le point d’arrivée est
considéré comme un trajet global et le déplacement entre deux étapes
intermédiaires est vu comme un trajet élémentaire. L’objectif est de
montrer comment l’organisation prosodique de ce type de discours
relève de deux processus centraux : segmentation discursive et mise
en saillance d’éléments, tous deux associés à l’empaquetage
conceptuel en cours. En d’autres termes, les schémas prosodiques
renseignent sur la représentation cognitive de l’énonciateur
relativement à ces différents types de trajets et sur la façon dont
il donne à voir l’objet de discours. En conséquence, elle nous permet
de poser des hypothèses précises sur les indices perceptifs
utilisables par le co-énonciateur pour s’approprier cette
représentation.
En pratique, il s’agit de défendre une méthode d’analyse inductive et
interprétative de la dynamique des constructions prosodiques. Cette
approche repose sur l’analyse d’un jeu d’indices acoustiques précis
et quantifiés (application d’un principe de quantité pour le repérage
de proéminences et de frontières prosodiques de rang variable).
L’hypothèse du principe de quantité et l’analyse qui en découle
conduisent à la mise au jour de la représentation cognitive de
l’espace à manipuler et à l’interprétation linguistique de ses
différentes modalités de construction : évocation d’entités et
saillance relative de ces entités, liage ou ruptures entre entités et
relations de contraste ou de symétrie associées, marquage graduel des
points de jonction et transitions, mais aussi parfois relations
conflictuelles entre différents repères inhérentes à la planification
spontanée du discours[6].
Références Bibliographiques
Berrendonner A. & al. (à par.) : Grammaire de la période.
Culioli A. (1999) : Sur quelques contradictions en linguistique.
Pour une linguistique de l’énonciation, 2, Ophrys.
Fauconnier G., Sweetser E. (1996) : Spaces, Worlds and Grammar, The
University of Chicago Press. 1996.
Lacheret-Dujour A., Ploux S., Victorri B. (1998) : « Intonation et
thématisation en français parlé », Cahiers de Praxématique, 30, C.
Fuchs & Ch. Marchello-Nizia (éd.), 89-111.
Lacheret (2003) : La prosodie des circonstants, Louvain, Peeters
Lacheret A., Victorri B., Avanzi M. (2007) : « La mise en scène
intonative dans la description d’itinéraires en milieu urbain », in
Structuration grammaticale et structuration discursive, Tranel, 47,
79-102.
Victorri B, Fuchs C. (1996) : La Polysémie. Paris, Hermès, 1996.
Sémantique du préambule :
descriptions de la périphérie gauche de l'énoncé oral spontané
Régis Missire, Catherine Rouayrenc
CPST - Université Toulouse 2 / ITEM – CNRS
CPST – Université Toulouse 2
Rompant avec une conception trop partiellement formulée en termes de
détachement ou de dislocation des arguments verbaux, Morel et Danon-
Boileau ont proposé dans leur étude du français parlé (1998) des
descriptions renouvelées de la périphérie gauche de l’énoncé oral
spontané. Ce qu’ils ont appelé préambule serait ainsi justiciable
d’une analyse tout à la fois intonative et segmentale, dont la forme
maximalement décumulée consisterait en une suite ordonnée de
constituants opposables par leur position et leur fonction,
énonciative ou argumentale, selon le modèle général :
Préambule = ligateur + point de vue + modus dissocié + cadre +
support lexical disjoint
Clairement onomasiologique (chacune des positions de ces séquences
pouvant être occupée par des unités linguistiques de nature et de
longueur variable), cette perspective théorique revêt, à côté d’une
dimension formelle liée à la position relative des segments, un
caractère interprétatif s’agissant de l’assignation de telle fonction
à telle partie du préambule. C’est à détailler la distribution entre
paramètres sémantique et syntaxique (i.e. positionnel) que nous
souhaitons consacrer cette communication, en nous attachant en
particulier :
(i) à décrire les modalités de « conflit » entre contraintes
positionnelle et sémantique : par exemple, alors que certaines
particules énonciatives manifestent préférentiellement telle
dimension sémantique, que se passe-t-il quand elles apparaîssent dans
une position non canonique ? sont-elles tendanciellement
recatégorisées, ou bien la prescriptivité de cet ordre canonique
souffre-t-elle des aménagements ? On montrera notamment qu’il
convient de distinguer au moins deux grands types de parcours
thématiques dans le préambule en fonction de la position du support
lexical disjoint.
(ii) à étudier les les façons dont les catégories locutoires
s’instancient, en prêtant notamment attention aux différents jeux de
décumul ou d’amalgame de ces catégories, pour lesquels on proposera
une typologie (on distinguera par exemple le figement linguistique de
segments solidarisant plusieurs de ces dimensions (p.ex : « je sais
pas mais ») et l’indifférenciation entre certaines de ces catégories
(p. ex certains emplois de « moi » qui peuvent être tout à la fois
point de vue, cadre ou support disjoint).
Références bibliographiques :
Icart-Séguy, H., (1976), Dialogue de femmes, documents et archives
pour la recherche sociolinguistique, Université de Toulouse II.
Blanche-Benveniste, C, Rouget, C., Sabio F., (2002), Choix de textes
de français parlé, Honoré Champion, Paris.
Blanche-Benveniste, C et alii, (1990), Le français parlé. Études
grammaticales, Paris, CNRS.
Morel M.-A., Danon-Boileau, L., (1998), Grammaire de l’intonation.
L’exemple du français oral, Ophrys.
Le programme néosaussurien et la sémantique de l’oral
Simon Bouquet
Université Paris X Nanterre
Divisée entre des approches logico-grammaticales se réclamant souvent
d’un « cognitivisme » hégémonique et des approches herméneutiques
dispersées – les premières comme les secondes souffrant d’un déficit
de réflexion proprement générale –, on peut tenir que la linguistique
est aujourd’hui, à cet égard, une discipline en crise. Dans cette
conjoncture, tenter de clarifier de possibles bases épistémologiques
communes à de champs de recherche multiples apparaît comme une tâche
salutaire.
A cette fin, une hypothèse mérite d’être examinée : la vision de
Saussure pourrait, une nouvelle fois dans l’histoire des sciences
humaines, jouer un rôle fondateur quant à une telle clarification
épistémologique. En effet, le manuscrit De l’essence double du
langage, retrouvé en 1996 et publié en 2002 (Ecrits de linguistique
générale, Paris, Gallimard), n’a pas seulement permis de relire
l’ensemble du corpus des textes originaux saussuriens et d’apprécier
combien ceux-ci sont incommensurables au Cours de linguistique
générale ; il peut également être considéré comme l’esquisse,
consistante et originale, de principes épistémologiques propres à
définir une science du langage unifiant linguistique de la langue et
linguistique de la parole.
Ces principes épistémologiques – qu’on qualifiera de néosaussuriens
pour les différencier de ceux reçus du Cours – se laissent développer
dans les quelques propositions suivantes :
1. la description du langage par une science dite linguistique peut
être conçue comme articulant inséparablement deux domaines
d’analyse : celui de la langue et celui de la parole – ou du discours
(« Sémiologie = morphologie, grammaire, syntaxe, synonymie,
rhétorique, stylistique, lexicologie etc., le tout étant inséparable
», ELG, p. 45) ;
2. cette linguistique duelle est concevable, essentiellement, sur la
base de deux principes généraux – le principe de sémioticité et le
principe de différentialité – posés comme transversaux à ses deux
domaines :
2.1. le principe de sémioticité postule un objet homogène pour la
linguistique de la langue : l’objet « signe » ; celui-ci ressortit à
trois sphères de « signes locaux » – dont les unités irréductibles
sont respectivement : le phonème, le morphème, la position syntaxique
–, ces unités sémiotiques se composant dans des plexus sémiotiques, à
la fois par une articulation interne à leurs trois sphères et par la
triple articulation de ces sphères entre elles ; selon le principe de
sémioticité étendu à la linguistique de la parole, cette dernière a
affaire à des « signifiés globaux » qui (a) s’étendent à la totalité
d’une séquence de parole analysée, (b) peuvent être regardés comme
composant eux-mêmes des unités et des plexus, (c) déterminent
l’interprétation des signes locaux de la langue ;
2.2. le principe de différentialité pose que les signifiés de langue
et des signifiés de parole peuvent être décrits par une notation (une
« littéralisation ») strictement différentielle – en d’autres
termes : par une algèbre répondant exclusivement des relations
systémiques des objets posés comme « signes » par le principe de
sémioticité ;
3. concevoir que l’analyse des signifiés de langue et des signifiés
de parole est inséparable – et, d’autre part, que ces deux types de
signifiés peuvent faire l’objet d’une littéralisation différentielle
– revient à postuler une quadruple articulation du langage, dont rend
compte, crucialement, l’écriture de « lois de corrélation » régissant
la détermination des signifiés locaux de la langue par les signifiés
globaux de la parole.
Après avoir précisé les grands traits de cette perspective
épistémologique, on l’illustrera par une application à la «
sémantique de l’oral », en examinant comment une « grammaire de
langue » différentielle des pronoms personnels français se laisse
articuler à une « grammaire de parole » différentielle, pour rendre
compte de l’intégralité des emplois possible desdits pronoms personnels.
Semantic prosody: mirroring contextual variation in oral and written
language.
Bill Louw
University of Zimbabwe
(texte inédit présenté par Carmela Chateau, Université de Bourgogne)
The term ‘prosody’ has always implied a predisposition for the spoken
word rather than its written counterpart (Cudden, 1979: 537; Abrams,
1971:139). Even Grice (1978: 124) supposes that irony will be
instantiated as a form of tone of voice. Recourse to a specialized
treatment of the relevant linguistic terms (Crystal, 1975) offers
little help: definitions for paralanguage or paralinguistic features
are redolent with the idea that voice gesture is involved in many
aspects of their realisation. However, very few scholars have
questioned the issue of tone to the point of asserting that the
nuances of meaning inherent in phenomena such as irony might be
recoverable within the fabric of the language itself, rather than
merely within its suprasegmental features, or even its grammatical
and structural elements. The key to taking this inquiry further lies
in pursuing the analogy provided by ‘gesture’ by means of
probabilistic, predictive and computational models that relate the co-
occurrence of linguistic forms to the situational and cultural
contexts that generate them (see Sinclair’s (2006) pamphlet entitled
Phrasebite). Empirical respectability for doing this resides in the
use of large corpora of natural language, such as the Bank of English
and the British National Corpus. One example of this type of model,
based upon Breal’s notion of meaning by contagion, is to be found in
Louw’s (1993) widely-quoted article that establishes binarity of
choice for all breaches of a semantic prosody: irony or insincerity.
This study and its widely ignored further proof (Louw, 2000) by means
of the automation of Firthian (1957) assertions and Sinclairean
amplification (1991) make the case not only for the fact that
exceptions to a semantic prosody (Louw, 1993) are scientifically
recoverable, but that the binary distinction operates at levels of
empirical reliability that are self-verificatory (louw, 2003) of the
scientific rigour underpinning semantic prosody. This fact frees
earlier investigations from their reliance upon the limited range of
intuitively-derived examples or poorly recorded voice recordings that
are often produced to establish claims made for a tone-of-voice
model. Collocation alone is capable of settling the matter as to how
precisely context and culture imprint themselves upon the fabric of
language through newly discovered forms of markedness (Enkvist, 1973;
Louw, 2003, 2007; 2008). These forms of markedness (delexicalisation
and relexicalisation) (Sinclair, 2004: 181) are themselves the
product of (1) Firth’s (1957) assertion, proved by Sinclair in the
OSTI Report (Krishnamurthy, 2004) that collocation is not a syntactic
phenomenon, but ‘abstracted’ from syntax, (see Halliday, 1966,
contra) and (2) that all literary and humorous devices have in common
the phenomenon of relexicalisation (Louw, 2008). The net result of
this corpus-based approach to meaning is that voice and gesture
theories may now be abandoned in favour, not of syntactic methods,
but of methods that have opened for inspection the contexts of
culture and situation. These operate at the high level of
abstractness assigned to collocation by Firth (1957), in conjunction
with Malinowski (1935), Sinclair (2006) and Louw (2007; 2008) for
collocation as instrumentation for language and by Louw (2008) using
the work of Wittgenstein (1922) and Frege (1884) to determine the
segmentation or chunking (see also Sinclair and Maurenen, 2006) of
contexts rather than co-texts, and of Carnap (1928) and Russell
(1947) to determine the nature of events and their recoverability
using computational means.
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Mouvements du regard, des mains et de la mélodie : coénonciation,
colocution et gestion du sens dans le dialogue en français.
Mary-Annick Morel
Paris 3 – Sorbonne Nouvelle (EA 1483)
La présentation repose sur l’analyse de plusieurs corpus de dialogues
enregistrés en audio et en vidéo. Il s’agit d’analyser les
cooccurrences d’indices (direction du regard, variations de la
mélodie, éventuellement geste de(s) main(s)) accompagnant la gestion
du sens par le parleur et les anticipations coénonciatives que ces
indices manifestent. Il s’agit également de prendre en compte les
productions sonores ou gestuelles de l’écouteur (celui auquel les
propos sont adressés) et de proposer des hypothèses plus précises sur
son temps de réaction, et sur la nature des indices qui traduisent
l’interprétation des anticipations faites par le parleur, du côté de
l’écouteur.
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[1] Bribe était le terme choisi par l’équipe du GARS pour éviter un
jugement de valeur dans la terminologie (Blanche-Benveniste et
Jeanjean 1985).
[2] Terminologie explicitée par exemple dans Ferreira & Bailey 2004,
Heeman, McMillin & Yaruss 2006.
[3] J’ai tenté à plusieurs reprises de rendre compte des processus
dynamiques de constitution du sens, révélés par les bribes (Blanche-
Benveniste 2003, 2005).
[4] Piles est le terme choisi par S. Kahane et K. Gerdes dans un
article à paraître.
[5] Certes, ce types de données conforte merveilleusement bien une
certaine façon de travailler en sémantique qui repose sur une
conception spatiale des représentations cognitives (Fauconnier &
Sweetser 1996, Victorri & Fuchs 1996). Néanmoins, si nous considérons
que l’opération de repérage constitue un processus inhérent au
fonctionnement discursif en général (repérage spatial ici, temporel
là, modal ailleurs), il est possible de faire émerger des principes
d’organisation prosodique génériques qui, par delà la variation de
genres, reflètent la dynamique des constructions discursives et
praxéologiques (mise en saillance d’unités, empaquetage) et sont
déclencheurs d’effets interprétatifs précis.
[6] Voir les concepts de schémas d’action : <action-confirmation> vs.
<action-réfection> travaillés dans le cadre de la Grammaire de la
période (Berrendonner & al., à par.)
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