Fw : Devenir des cr éoles.- Parution du n° 7 de la Revue : Recherches Haïtiano-Antillaises
paulo maria
magensie at YAHOO.FR
Sat Jul 30 11:59:22 UTC 2011
Bonjour,
Je vous annonce la parution du n° 7 de la Revue :
Recherches Haïtiano-Antillaises
Nouvelle Revue Caribéenne d’Etudes Postcoloniales
A New Caribbean journal of Postcolonial Studies
Aux éditions Paris, l’Harmattan, 200 pages.
Ce numéro porte pour titre : « Devenir des créoles : approches théorique, littéraire et sociolinguistique ».
Ce numéro se vend au prix de 19 €
Il peut être demandé par courriel à l’adresse suivante : administration at crenel.fr
Ce numéro est composé de 10 articles dont 2 du Professeur émérite Ulrich Fleischmann de l’Université de Berlin, qui était avec nous l’an dernier lors du dernier colloque du CRENEL à la Nouvelle Orléans aux Etats-Unis : « Penser un humanisme de la diversité ».
Le Professeur Fleischmann nous a quittés alors que la revue était sous presse. Nous lui rendons un grand hommage.
Voici le sommaire et la présentation des auteur et l’intégralité du Liminaire de ce numéro 7.
Liminaire
Le devenir des créoles: approches théorique, historique, sociolinguistique et littéraire
Par Marie E. PAUL ..................................................................................... 7
I- Analyses et Réflexions
Entre la Négritude (césairienne) et la Créolisation: un effort pour penser autrement la réalité
socio-historique de la Caraïbe
Par Édelyn DORISMOND............................................................................ 15
Deux destins de Créoles rebelles : La Montagne d'ébène de Roland Brival et La Belle Créole de Maryse Condé
Par Christèle CANTET ............................................................................. 29
II- Analyses et perspectives
Les langues créoles sont-elles menacées de disparition ?
Par Hugues SAINT-FORT .......................................................................... 51
Vers l'émergence du créole haïtien comme langue étrangère (!)
Par Renauld GOVAIN ............................................................................... 65
Le Bel-Air, quartier de Port-au-Prince: une étude sociolinguistique
Par Ulrich FLEISCHMANN ......................................................................... 83
Le créole palenquero et son avenir
Par Yves MOÑINO .................................................................................. 101
Évolution du bilinguisme en Martinique : ce que nous apprennent les déclarations et les pratiques langagières des élèves du primaire
Par Bellonie JEAN-DAVID....................................................................... 113
AfroKreols' Quest for identity impacts on the future of Mauritian Creole
Par Jimmy HARMON .............................................................................. 131
III- L'Histoire Autrement
L'association des États de la Caraïbe: l'organisation de la grande
Caraïbe
Par Watson R. DENIS ............................................................................. 147
IV - Art, Littérature et Culture
L'amour ambigu de Choucoune
Par Ulrich FLEISCHMANN ....................................................................... 179
· Présentation des différents contributeurs à ce numéro
1- Christèle CANTET est enseignante en Lettres Modernes dans le secondaire. Elle a soutenu en 2005, à l'Université de la Réunion, une thèse de Doctorat intitulée "Mythes et figures de la Belle Créole dans la littérature de langue française (France, Mascareignes, Antilles françaises)". En poste à temps complet dans l'Académie de Versailles depuis 2008, elle travaille à l'élaboration d'une version courte de la thèse en vue d'une publication. Elle poursuit ses recherches en étudiant comment la littérature antillaise fait évoluer aujourd'hui ses personnages féminins, à travers une parole féminine qui tente d'échapper à une sorte de névrose séculaire se manifestant par le retour obsessionnel au passé et l'interrogation douloureuse des personnages sur leur identité.
2- Édelyn DORISMOND est Docteur en Philosophie de l'Université Paris 8 Vincennes
(France). Son travail se veut une tentative d'explorer, partant des théories des luttes pour la reconnaissance, les sédimentations qui hantent les pratiques politiques, sociologiques, culturelles et folkloriques caribéennes. Il est vice-président du CRENEL (Centre Recherches Echanges, Normes et Langage), membre du réseau de recherches de l'AUF, "Etat de droit saisi par la philosophie". Il a publié "La question de l'éducation dans les Caraïbes" (2008); "Pratiques religieuses Afro-Caribéennes et Démocratie" (2007); "Un arc-en-ciel pour l'occident chrétien" ou la visibilité du Vaudou" (2007); "La musique caribéenne: esquisse d'une intuition sur "la sensibilité caribéenne" (2006). Par ailleurs, il explore d'autres champs de recherches, en particulier la dimension "poïétique" des "cultures populaires" dans la dynamique de la mondialisation.
3- Hugues SAINT-FORT a fait des études de lettres modernes et de linguistique aux universités de Franche-Comté, de Paris III, et de Paris V René Descartes où il a obtenu un Doctorat en linguistique. Il a enseigné la linguistique ou le français à l'île Maurice, puis à Queens College (CUNY), à la City College of New York et enseigne maintenant le français à Kingsborough College (CUNY). Ses domaines de recherche sont les alternances codiques en créole haïtien, les problèmes de lexicologie et de lexicographie dans les langues créoles et l'évolution de la littérature haïtienne dans la diaspora haïtienne et il a publié plusieurs articles sur ces questions. Son prochain livre est intitulé : Haïti : questions de langues, langues en questions.
4- Jean-David BELLONIE est Docteur en Sciences du Langage de l'Université de Nanterre et de LMU de Munich. Il conduit actuellement des recherches postdoctorales à l'université de Freiburg im Breisgau (Allemagne) où il exerce la fonction de Lecteur de Français pour des cours d'Initiation à la production de textes scientifiques en vue de la préparation de l'épreuve de linguistique au "Staatexam". Il a publié plusieurs articles sur la situation du français en Martinique.
5- Jimmy HARMON est le chef de Pédagogie appliquée à l'Institut Cardinal Jean Margeot, diocèse de Port Louis, à Ile Maurice. Il est responsable de l'Action Kreol-Morisien, projet de recherche du Bureau de l'enseignement catholique dans les écoles primaires et secondaires à Maurice. Il est très impliqué comme intellectuel dans les questions liées au créole à l'île Maurice. Il contribue régulièrement au débat public par ses réflexions dans la presse locale et lors de séminaires internationaux. Il a publié un court essai L'Espérance Créole, Pour un Plaidoyer Dans l'action, (Ed. Marye-Pike, 2008). Il est aussi chercheur à Vérité et la Justice de la Commission qui a été créé en 2008 par une loi du Parlement de se pencher sur les séquelles de l'esclavage et l'immigration indienne. Il est également candidat à un doctorat en Langue et éducation à l'Université Western Cape, Afrique du Sud.
6- Marie E. PAUL est candidate au Doctorat de Sciences du Langage à l'Université de Paris III Sorbonne-Nouvelle. Elle a enseigné le français et le créole haïtien à Tulane University de 2008 à 2010. Elle a publié: "Langues et exclusion sociale en Haïti", in Recherches haïtiano-antillaises, n° 1 & 2, Paris, éd. l'Harmattan, 2005; "Quelle politique linguistique pour Haïti?" Le Nouvelliste 27/04/05; Créolisation linguistique et sciences humaines : actes du colloque, Paris, Éditions P.U.H.A., 2007; 'Les créoles français sont-ils des langues néo-romanes ?', in Actes du Congrès Mondial de Linguistique française, New Orleans, 2010 ; 'De la genèse du créole haïtien' in Société, Langues, École en Haïti en hommage aux victimes universitaires du séisme du 12 janvier 2010: Études Créoles, n° 1 et 2, 2010, numéro coordonné par R. Chaudenson.
7- Renauld GOVAIN est Docteur des Sciences du Langage. Il enseigne l'analyse du discours à l'Université d'État d'Haïti, en particulier à la Faculté de Linguistique Appliquée et est membre du Conseil de direction de la Faculté de Linguistique Appliquée. Il est intéressé à l'ethnolinguistique, la didactique des langues et travaille sur la description du français haïtien, la politique linguistique en Haïti notamment dans son rapport avec la didactique et la sociolinguistique. Ses recherches portent essentiellement sur le français haïtien, la didactique du français et du créole, le développement d'un dispositif devant conduire à l'enseignement apprentissage du créole haïtien comme langue étrangère.
8- Ulrich FLEISCHMANN est Professeur émérite de l'Institut des Etudes Latino-Américaines, spécialiste de la Caraïbe. Il a effectué plusieurs longs séjours de recherches en Haïti et en Afrique de l’Ouest. Il fut à plusieurs fois Professeur invité au Brésil, à Costa Rica et au Mexique. Il est l’auteur entre autres de Littérature et réalité en Haïti (1969, en allemand); Les Créoles à base Française dans la Caraïbe; La fonction de la langue dans l'espace social et géographique (1984, en allemand); Black Culture, white Discourse and Creole History: An Interpretation of American Slavery (2005, en Anglais). Actuellement, il travaille sur une histoire culturelle de la Caraïbe, de l'esclavage atlantique, créolisation.
9- Yves MOÑINO est Directeur de Recherches au LLACAN du CNRS (Laboratoire de langues et cultures d'Afrique noire). Docteur d'état en sciences humaines de l’Université Paris V, il s'est consacré à la description sur le terrain de 21 langues d'Afrique centrale, et à leur comparaison, avant d'étudier depuis 1994, le créole palenquero de Colombie. Il a publié 5 livres et plus de cinquante articles de linguistique historique africaine et sur la genèse et le fonctionnement des créoles. La liste de ses publications récentes est sur : http://llacan.vjf.cnrs.fr/pers/p_monino.htm.
10- Watson DENIS est Professeur de la pensée sociale haïtienne, d'histoire de la Caraïbe et des Relations internationales à l'Université d'État d'Haïti (UEH). En plus des études réalisées en sciences sociales, en relations internationales et en droit, il détient un doctorat en Histoire à l'Université de Porto Rico (2004). Dr DENIS a travaillé dans la diplomatie internationale comme Conseiller politique auprès du Secrétariat de l'Association des États de la Caraïbe (AEC), de janvier 2006 à août 2009, date à laquelle il est retourné en Haïti pour reprendre ses activités académiques au sein de l'UEH. Il conduit actuellement des recherches en relations internationales, l'historiographie, l'histoire intellectuelle et culturelle en Haïti, dans la Caraïbe et aux USA, champs dans lesquels il a publié plusieurs articles dans des revues spécialisées de sciences sociales en Haïti, dans la Caraïbe et en Amérique latine.
La version intégrale du Liminaire
Liminaire
Le devenir des créoles: approches théorique, historique, sociolinguistique et littéraire
Marie E. PAUL
Les travaux de Ferguson (1959), Valdman (1979) puis Dejean (2006) montrent une évolution progressive dans les usages du créole en Haïti. Valdman (1979) observait une progression de la variété vernaculaire dans l'écriture épistolaire, poétique, le discours politique, dans les églises, la presse écrite et orale. M.-C. Hazaël-
Massieux (1999) reprenant les analyses de L. F. Prudent remarque une utilisation accrue du créole par les Martiniquais en même temps qu'ils emploient le français dans des sphères jusqu'alors réservées au créole. Les
travaux abordant l'évolution des usages des langues créoles sont peu nombreux et le plus souvent obsolètes, ce fait nous a poussés à analyser les représentations de ces langues dans quelques uns des territoires où
elles sont parlées. De plus, à la veille de la célébration du dixième anniversaire du CAPES de créole, il s'agira de marquer cet anniversaire et de s'interroger sur le devenir des créoles.
La problématique du devenir des créoles soit en tant qu'individus ou en tant que langues est posée, débattue et interrogée dans ce numéro des Recherches Haïtiano-Antillaises consacré aux créoles et fait suite, en quelque sorte, au colloque du CRENEL : "Penser un humanisme de la diversité" organisé en avril 2010 à la Nouvelle Orléans avec le soutien de l'AUF et Tulane University. Des correspondances sont relevées et nous en indiquerons ici quelques unes pour donner une idée du contenu au lecteur désireux de s'enquérir sur la situation des créoles, leur condition historique dans les sociétés qui les ont vus apparaître.
Le deuxième article de la revue discute de la belle Créole, qui s'est, quant à elle, révélée rebelle et en désaccord avec l'image à laquelle nous avions tendance de la cantonner. Elle se redéfinit en même temps que la société dans laquelle elle évolue. Le créole comme idiome est envisagé comme langue optionnelle dans telle île de l'océan Indien, institué Langue Étrangère dans telle contrée en Colombie donc LE à l'intérieur de ses frontières et pressenti LE aux États-Unis, au Canada… comme instrument de communication entre nations alloglottes notamment, du fait de l'étendue de la diaspora de la plus grande communauté francocréolophone.
Le chapitre introductif, "Analyses et Réflexions", aborde la notion du "créole" dans un de ses aspects originels, c'est-à-dire en tant qu'individu. Rappelons que le mot portugais "crioulo" ou espagnol "criollo" invoque aussi une personne qui était née et qui a grandi dans la colonie, un individu qui était du pays. Les deux articles qui composent cette première partie tentent de revisiter cette acception du créole. Christèle Cantet examine la figure de la Belle Créole dans ses singularités et propose une confrontation avec des courants de pensée actuels ou des modes de représentations passés. Christèle Cantet observe une évolution de la figure de la Créole blanche entre les écrivains d'avant le XXème siècle et ceux d'après cette période. Elle nous offre, à travers son article: "Deux destins de Créoles rebelles", une description physique et morale de "La belle Créole blanche" chez deux écrivains antillais (Roland Brival et Maryse
Condé), deux auteurs du XXème siècle qui placent respectivement ce personnage féminin dans le cadre historique de l'esclavage et dans l'époque contemporaine dans La montagne d'ébène et La Belle Créole. Elle met en relief, dans une lecture croisée, comment ces romanciers du XXème siècle dérogent dans leur représentation à l'image habituelle de la Belle Créole docile acceptant le rôle qui lui est assigné par la société.
Édelyn Dorismond établit un ensemble de réflexions critiques sur la Négritude et la Créolisation car ces pensées ne prennent pas assez en compte la dimension socio-historique de la Caraïbe. La Négritude césairienne est perçue comme un calque de la pensée coloniale car "à se battre avec les stratégies de l'ennemi on finit par lui ressembler" alors que la Créolisation dans son ouverture au "tout monde" n'accorde pas suffisamment d'attention à la caractéristique historique du Créole. L'auteur propose alors une pensée de la marge non perçue comme marginalisation mais en tant que lieu où le Caribéen s'efforcera d'être autre que ce que la colonisation a fait de lui.
La deuxième partie, Analyses et perspectives, de ce volume s'ouvre avec l'article d'Hugues Saint-Fort, traitant des Créoles français. Ce texte fort intéressant présente en premier lieu les grandes théories relatives à la genèse des créoles avant de s'appuyer sur un rapport de l'UNESCO intitulé: Vitalité et Disparité des langues, pour répondre à la question de l'avenir des langues créoles. Son analyse ayant portée sur les créoles français, il en ressort que la situation sociolinguistique de ces créoles n'est point identique, ainsi leur devenir sera nécessairement différents. Hugues Saint-Fort mentionne aussi le poids des conditions socio-économiques sur le devenir des langues créoles et un certain nombre de principes nécessaires à une bonne vitalité linguistique.
Partant du constat de la vitalité et de la très grande diffusion du créole haïtien à l'étranger notamment en Europe, en Amérique du Nord et centrale ainsi que de la reconnaissance officielle obtenue par exemple dans quelques États américains, Renauld Govain étudie les facteurs susceptibles de favoriser l'émergence d'un créole haïtien en tant que Langue Étrangère. Il suggère des mesures pour une politique d'intégration par la langue visant à favoriser l'ascension du créole haïtien en tant que LE. L'auteur pointe également la possibilité de faire usage des créoles français comme médium d'intercompréhension dans la Caraïbe étant donné leurs représentations dans la région. Renauld Govain expose en dernier lieu un projet de curriculum qui contribuerait également à l'ascension du créole en position de LE.
Le créole haïtien est étudié dans l'article intitulé "Le Bel-Air, quartier de Port-au-Prince: une étude sociolinguistique". Ulrich Fleischmann met à la disposition des lecteurs francophones, les résultats d'une enquête menée dans le quartier historique de Bel-Air dans les années 1980. Dans le cadre de cette étude, il a interrogé une centaine de personnes de 15 ans à plus de 50 ans (dont 43 femmes). Etant donné le caractère hétérogène de la ville à cette période (présence de résidents sédentaires et de migrants de zones rurales vivant du petit commerce), Fleischmann a voulu mettre en évidence les attitudes de ces deux groupes vis-à-vis des deux langues officielles du pays: le créole et le français.
Yves Moñino présente également une étude sociolinguistique de l'unique créole espagnol parlé en Amérique du Sud continentale, le palenquero. Cette langue créole est parlée en Colombie par les descendants des esclaves "marrons" dans les palenques. Les Palenqueros, dans leur singularité ont trouvé une forme de protection dans la constitution colombienne de 1991 qui reconnaît la différence ethnique des différentes communautés du pays ainsi que dans la déclaration de 2007 de l'UNESCO qui les range dans le patrimoine immatériel de l'humanité. Toutefois l'auteur laisse comprendre qu'en dépit de ces dispositifs, l'avenir de ce créole espagnol est menacé.
La problématique de l'avenir des créoles revient dans le texte de Jimmy Harmon qui traite du créole français de l'Ile Maurice comme un marqueur identitaire. Sur cette île d'une population de plus d'un million d'habitants et composée de plusieurs groupes ethniques, le terme créole désigne aussi bien la langue qu'une des communautés au sein de la société mauricienne. Ce fait revêt une importance particulière car il se trouve, nous explique Jimmy Harmon, que les 'AfroKreols' réclament l'institutionnalisation du créole mauricien comme la langue ancestrale, et nationale de tous les Mauriciens. Aussi, l'auteur propose d'introduire le créole ainsi que le bhojpuri avec le statut de langue optionnelle dans l'école mauricienne.
Jean-David Bellonie s'est, lui, introduit dans des écoles martiniquaises afin d'évaluer l'évolution du bilinguisme chez les écoliers de l'île. Il présente une enquête sociolinguistique menée entre 2006 et 2007 auprès d'élèves âgés de 8 à 12 ans dans quatre écoles primaires. Il a comparé les déclarations et les pratiques langagières des enfants selon leurs milieux sociaux et leurs origines géographiques. Les révélations de cette étude sont nombreuses. L'autoévaluation a révélé par exemple que 100% des écoliers estiment avoir un excellent niveau en français. Les chiffres sont très différents s'agissant du créole et ils sont 72.9% à 85.7% des élèves consultés qui aimeraient apprendre à lire et écrire le créole.
Le second article de Fleischmann dans ce numéro offre une analyse de Choucoune, célèbre poème créole d'Oswald Durand très connu et apprécié, publié dans le dernier quart du XIXème siècle dans un recueil intitulé "Rires et pleurs". Dans cet article, Ulrich Fleischmann établit un parallèle entre cette forme d'expression de la poésie créole et la pastourelle, sorte de poésie écrite pour être chantée. Pratiquée au Moyenâge, la pastourelle relatait souvent les amours entre un seigneur et une bergère. Il y met en évidence trois niveaux d'interprétation relatifs à la pastourelle, à la culture paysanne haïtienne et française du XIXème siècle et
aux préjugés raciaux. En guise de conclusion, l'auteur propose une interprétation doublement intéressante : celle du "carnavalesque" et du "cannibalisme littéraire" avant de clore son étude par la découverte du "moi lyrique" révélé comme "moi créole" qui aurait 'mangé' son prétendant en l'occurrence 'français'.
Édelyn Dorismond a ouvert ce numéro avec une réflexion sur la possibilité de définir la Caraïbe en tenant compte de ses spécificités sociohistoriques, Watson Denis le clôt en revisitant l'histoire de cette Caraïbe une et plurielle. Il propose une perspective sur l'Association des États de la Caraïbe: son objectif, son histoire et son mode d'organisation.
Ainsi, l'auteur commence par présenter les différents sens du terme 'Caraïbe' et les conceptions que l'on a pu en avoir selon les périodes et les points de vue d'où elle est considérée. Puis, il le positionne par rapport à d'autres institutions qui lui sont contemporaines ou antérieures avant d'étudier en détails l'agencement de cette 'grande Caraïbe' et d'exposer son mode de fonctionnement, ses visées et de conclure sur son devenir au niveau sous régional, régional et international.
En étudiant la question du devenir des créoles l'on constate qu'il y a eu de belles avancées. Les créoles sont passés de l'état de "langue jugulée" (Bebel-Gisler D. 1976) aux langues régionales dans certains cas, langues officielles dans d'autres ou encore langues étrangères. Alors que certains se réjouissent de voir ces langues se développer d'une part, d'autres tirent la sonnette et rappellent que si certains créoles sont enseignés dans de grandes universités américaines par exemple, l'avenir des langues créoles dépend en grande partie des locuteurs natifs et de la pratique qu'ils ont de ces langues. Jean Bernabé, professeur émérite à l'UAG, déclarait dans un entretien1 donné à Mique Irasque1 que la décréolisation, en l'occurrence la francisation, constituait un grand danger, un "fléau" pour les langues créoles. "Ce qui est très grave, nous dit Bernabé, pour l'avenir, ce n'est pas tellement que les énoncés soient
francisés, c'est que l'énonciation le soit. C'est très grave pour la langue". Il a également exprimé son regret devant le désamour des jeunes pour l'étude du créole avant de donner quelques pistes à considérer afin "d'inscrire les créoles dans la scripturalité". En effet, Bernabé estime que le créole est toujours en voie de scripturalité et qu'il faut publier "sans réserve" de bons ouvrages en créole mais également avoir une pratique régulière de la lecture en langue créole.
Bien à vous,
Fritz Calixte
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