[journée ConSciLa] Sémantique de l'oral spont ané, rencontre entre sémanticiens et spécia listes du français parlé

Régis Missire rmissire at UNIV-TLSE2.FR
Wed Jan 21 12:23:43 UTC 2009


Chers collègues,

Vous trouverez ci-dessous le programme définitif de la journée  
ConSciLa du 06 février 2009.

Cordialement,
Régis Missire



Sémantique de l'oral spontané

Rencontre entre sémanticiens et spécialistes du français parlé





journée ConSciLa du 06 février 2009

ENS, 45 rue d’Ulm – Amphithéâtre Rataud



organisée par Régis Missire





Alors que la syntaxe du français parlé fait depuis de nombreuses  
années l'objet de descriptions avancées, la question d'une  
"sémantique de l'oral" reste peu explorée : si d'un côté  
l'abstraction des conditions effectives de réalisation de la parole  
est en effet constitutive pour la sémantique lexicale, la sémantique  
textuelle a de son côté notoirement privilégié l'élaboration de ses  
modèles à partir de textes écrits. De fait, c'est bien dans les  
travaux des spécialistes du français parlé que l'on observe des  
intérêts variés pour les questions d'ordre sémantique en relation  
avec l’oral : outre les descriptions que les intonologues ont de  
longue date consacré aux valeurs sémantiques des contours  
prosodiques, on peut également mentionner la Grammaire de  
l'intonation (1998) de Laurent Danon-Boileau et Mary-Annick Morel  
qui, dans une problématique énonciative, a de fait intégré à son  
modèle une composante sémantique (cf. p. ex. la conception  
onomasiologique des constituants du "préambule") ou encore les  
analyses des reformulations et hésitations caractéristiques de l'oral  
spontané de Claire Blanche-Benveniste, qui souligne les aspects  
dynamiques de la composition sémantique de l'oral (2005). Diversement  
abordées en intonologie, dans les études énonciatives ou en syntaxe,  
ces questions sont ainsi restées pour l'essentiel étrangères aux  
préoccupations des sémanticiens. Or une sémantique prenant pour objet  
les modalités d’assignation du sens aux suites linguistiques peut  
éclairer le fonctionnement de l’oral spontané, et s’enrichir de sa  
description. Parmi les points de rencontre entre sémantique et oral,  
on peut évoquer, notamment, les points suivants :



• Sémantisation du prosodique / prosodisation du contenu : si la  
prosodie module le flux expressif et établit des rapports figure /  
fond entre les composants de l’énoncé et les domaines ou entités  
auxquelles elles renvoient (par exemple le fonctionnement des  
contours prosodiques de thématisation comme détachant une partie de  
l’énoncé en lui donnant une saillance de figure (Lacheret, François,  
2004), certains sémanticiens ont développé complémentairement une  
conception prosodique du sens (cf. par exemple le concept de prosodie  
sémantique (Louw, 1993), ou appréhendé le plan du contenu dans des  
modèles continuistes de type reconnaissance de formes (hypothèse de  
la perception sémantique, Rastier 1991). Les approches gestaltistes  
en sémantique (Cadiot, Visetti, 2001) permettent notamment de traiter  
sur un mode continu (l’isotopie par exemple) les phénomènes  
segmentaux : ainsi, en considérant la variété d’empan syntagmatique  
au long duquel les formes sémantiques peuvent être lexicalisées, du  
plus compact au plus décumulé, devient-il possible de reprendre la  
question des relations entre phases amalgamées et décondensées du  
discours à tous les paliers de l’analyse.



•  Énonciation et reformulation : le locuteur est son premier  
interprète, et la profération linguistique n’est pas la simple  
actualisation d’un à-dire conceptuel selon une planification  
linéaire, mais également une détermination régressive de ce à-dire  
par approximations et reprises successives, c’est-à-dire par négation  
du déjà-dit. Reformulations, modifications, hésitations, etc. sont  
ainsi pour la sémantique un observatoire sur les cours d’action que  
constituent l’énonciation et l’interprétation, et un accès privilégié  
à la pensée qui s’élabore et se précise dans le temps même de sa  
formulation.



• Production spontanée et phases de l’oral : Il importe également de  
décrire les régularités sémantiques corrélées aux types d’interaction  
et de contexte dans lesquelles les données orales sont recueillies  
(discussions à baton rompu, phases cursives plus longues (récit,  
témoignage), etc.) dans la perspective d’une poétique des genres de  
l’oral, et au-delà des caractéristiques des textualités de l’oral.





En confrontant spécialistes de l'oral - auxquels on a demandé de  
centrer leur intervention sur des questions de sémantique - et  
sémanticiens - auxquels on a demandé de travailler sur des données  
orales -, cette journée d'étude se propose de faire un point sur  
cette problématique, et susciter des rencontres entre chercheurs  
appartenant à des champs qui se croisent peu.





Programme :



09h15-09h30

Ouverture de la journée



09h30 – 10h15

Claire Blanche-Benveniste (Université de Provence / EPHE)

À propos des interprétations sémantiques des reformulations



10h15 – 11h00

Anne Lacheret (Université Paris X Nanterre - MODYCO), Mathieu Avanzi  
(Université de Neuchâtel), Bernard Victorri (ENS, CNRS, Lattice)

Schématisation discursive et schématisation intonative : question de  
« genre » ?



11h00 – 11h15

pause



11h15– 12h00

Régis Missire (Université Toulouse 2 - CPST / ITEM – CNRS), Catherine  
Rouayrenc (Université Toulouse 2 – CPST)

Sémantique du préambule : descriptions de la périphérie gauche de  
l'énoncé oral spontané



12h00 – 14h00

Repas



14h00 – 14h45

Simon Bouquet (Université Paris X Nanterre)

Le programme néosaussurien et la sémantique de l’oral





14h45 – 15h30

Bill Louw (Université du Zimbabwe)

La prosodie sémantique : miroir de la variation contextuelle, à  
l'écrit comme à l'oral

Communication inédite présentée en français par Carmela Chateau  
(Université de Bourgogne)



15h30 – 15h45

Pause



15h45 – 16h30

Mary-Annick Morel (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle (EA 1483)

Mouvements du regard, des mains et de la mélodie : coénonciation,  
colocution et gestion du sens dans le dialogue en français.



16h30 – 17h30

Synthèse des travaux / discussion générale








À propos des interprétations sémantiques des reformulations

Claire Blanche-Benveniste

Professeur émerite, Université de Provence / EPHE



Les phénomènes nommés reformulations - ou bribes[1], ratés,  
réparations, disfluences – sont présentés comme des caractéristiques  
de l’oral spontané. Dans les cas les plus nets, comme en (1), la  
plupart des analyses identifient une « erreur », quatre ans, un «  
indicateur » d’erreur pardon, et la « réparation » de l’erreur, trois  
ans  (en anglais reparandum, editor et repair[2]) :



(1), cela fait quatre ans que je pardon trois ans que je travaille à  
la salle



Pendant toute une période, ces phénomènes ont été étudiés en français  
surtout pour leur intérêt pragmatique : nombreuses reformulations  
dans les interactions, relations des locuteurs à leurs énoncés,  
traces de la planification des discours, etc.  Du point de vue de la  
grammaire de la langue, ils étaient généralement vus négativement,  
comme s’ils témoignaient que les locuteurs ne pouvaient pas en temps  
réel répondre à toutes les contraintes que leur imposerait la  
grammaire. Pour en rendre compte, disaient Apothéloz et Zay (1999),  
il valait mieux « s’affranchir de certaines attentes  
morphosyntaxiques ». Ces phénomènes semblaient avoir peu d’intérêt  
sémantique[3]. Depuis les années 2000, ils intéressent les  
traitements automatiques du langage cherchant des modèles d’analyse  
(parsers) capables de décrire les productions orales spontanées. Du  
coup, il est question de créer des parsers qui seraient aussi  
efficaces que les humains dans le traitement de ces « réparations  
» (Ferreira & Bailey 2004 ; Heeman, McMillin & Yaruss 2006) et ces  
phénomènes sont interprétés dans des perspectives différentes de  
celles de l’erreur et plus orientées vers les mécanismes cognitifs.



Je voudrais proposer quelques pistes d’interprétation sémantique pour  
certains types de reformulations en forme de listes énumératives  
(entassements, piles[4]), qui ont une structure proche de celle des  
coordinations. En ce cas, ce qui a souvent gêné l’analyse c’est la  
difficulté à leur trouver un statut syntaxique satisfaisant, à  
traiter du caractère intentionnel ou non de leur production et à leur  
fournir un sens autre que celui de l’erreur.  Pour décrire ces  
formulations, je ferai l’hypothèse qu’il ne s’agit pas de la  
difficulté à trouver une bonne dénomination pour un référent qui  
existerait préalablement à sa désignation mais qu’il s’agit très  
souvent de construire un référent et de le construire à travers des  
approximations successives, sans que le référent soit toujours  
réellement accessible par l’auditeur.



c’est une sorte de comment dire pas peut-être une insulte mais un mot  
pour désigner quelqu’un



Le rapprochement qui me semble éclairant, dans ce domaine, est celui  
qu’on peut faire avec des formes de littérature contemporaine  
(Michaux, Ponge, Pinget, Claude Simon), qui ont précisément orienté  
toute leur œuvre vers cette difficulté à constituer des référents.



Références bibliographiques :
Apotheloz, D. et Zay, F., 1999, »Incidents de la programmation  
syntaxique : reformulations micro et macro-syntaxiques », Cahiers de  
Linguistique française n°21, 11-34.

BERRENDONNER, Alain, 1990 , « Pour une macro-syntaxe », Travaux de  
linguistique n° 21, 25-36.

Bikialo Stéphane, « La reformulation créative dans Le palace de  
Claude Simon : détournement de la reformulation et déroute de la  
nomination », Semen, 12, Répétition, altération, reformulation dans  
les textes et discours, 2000, [En ligne], mis en ligne le 4 mai 2007.  
URL : http://semen.revues.org/document1874.html. Consulté le 25  
juillet 2008.

BLANCHE-BENVENISTE, Claire, 1987, « Syntaxe, choix de lexique et  
lieux de bafouillage », DRLAV n° 36-37, Dialogues. Du marivaudage à  
la machine, 123-157.

BLANCHE-BENVENISTE, Claire, 2003, « La naissance des syntagmes dans  
les hésitations et les répétitions du parler », in Le sens et la  
mesure. De la pragmatique à la métrique. Hommages à Benoît de  
Cornulier. Paris : Champion, 153-169.

BLANCHE-BENVENISTE, Claire, 2004, « Les aspects dynamiques de la  
composition sémantique de l’oral », in . A. CONDAMINE (dir.),  
Sémantique et corpus. Paris : Lavoisier, 40-73.

BLANCHE-BENVENISTE, Claire 2005, « L’étude grammaticale des corpus de  
langue parlée en français », Geoffrey WILLIAMS (éd.), La linguistique  
de Corpus. Presses Universitaires de Rennes, 47-66.

BLANCHE-BENVENISTE, Claire et  WILLEMS, Dominique, 2007, « Nouveaux  
regards sur kes verbes faibles », Bulletin de la Société de  
Linguistique de Paris,

BOURAOUI, J.L. et VIGOUROUX, N, (IRIT), « Etude des dysfluences dans  
un corpus linguistiquement contrasté » (bouraoui,vigouroux at irit.fr).

CLARK, Eve, V., 1997, “Speaker perspective an reference in young  
children”, First Language, 17-31, 57-74.

DEHE, N. & KAVALOVA, Y., (eds.), 2007, Parentheticals. Amsterdam:  
Benjamins.

FERREIRA F. & K.G.D. BAILEY, 2004, « Disfluencies and Human Language  
comprehension », Trends in Cognitive Sciences, vol.8, n° 5, 231-237.

FEYEREISEN, Pierre, 1984, « Ho do aphasic patients differ in sentence  
productions ? », Linguistics 22-5: 687-710.

FORGET, D., 2000 « Les insertions parenthétiques”, Revue Québécoise  
de linguistique, 28/2, 15-28.

FOX, B.A. and JASPERSON, R., 1996, “A syntactic exploration of repair  
in conversation”, in DAVIS, P. (ed.), Descriptive and theoretical  
Modes in the alternative linguistics. Amsterdam; Benjamins.

FOX, B.A., HAYASHI, M. & JASPERSON, R., 1996, “Resources and  
repairs : A cross-linguistic study of Syntax and Repair”, in OCHS, E,  
SCHEGLOFF, A. & THOMPSON, S. A., Interaction and Grammar. Cambridge:  
Cambridge University Press.

GERDES, Kim & KAHANE, Sylvain, (submitted), « Speaking in Piles.  
Paradigmatic Annotation of a French Spoken Corpus”.

HEEMAN Peter, A., McMILLIN, Andy & J. Scott YARUSS, 2006; “An  
Annotation Scheme for Complex Disfluence”, Interspeech 2006- ICSLP,  
Ninth International Conference on Spoken Language Processing, Paper  
1859.

MOREL, Mary-Annick, 2007, « La reformulation dans le dialogue  
finalisé en français », in M. KARA (éd.), Usages et analyses de la  
reformulation, Recherches Linguistiques N° 29 : Metz.

MOURET, François, 2007, « Les coordinations de séquences de  
compléments en français » (On line)

NOREN, Coco, 1999, Reformulation et conversation. De la sémantique du  
topos aux fonctions interactionnelles. Uppsala : A1cta Universitatis  
Upsaliensis.

PISANI, D.B.  and  REMEZ  R.E. (eds.), 2005, The Handbook of Speech  
Perception, 708 p. Oxford: Blackwell.

RIEGEL, Martin et TAMBA, Irène , 1987 (dir.), Langue française 73: la  
reformulation du sens dans les discours.

ZAY, Françoise, 1995, « Note sur l’interprétation des expressions  
référentielles dans les parenthèses », Travaux Neuchâtelois de  
Linguistique 23, 203-223.






Schématisation discursive et schématisation intonative :

question de « genre » ?

Anne Lacheret, Mathieu Avanzi, Bernard Victorri

Laboratoire MODYCO, Université de Nanterre, Paris Ouest, France

Université de Neuchâtel, Suisse

ENS, CNRS, Lattice, Paris



Cette communication s’ancre sur les concepts d’espace scénique et de  
géométrie intonative que nous travaillons dans une approche  
contextualisée de la prosodie, fondée sur l’hypothèse majeure «  
qu’énoncer, c’est construire un espace, orienter, déterminer, établir  
un réseau de valeurs référentielles, bref un système de repérage.  
» (Culioli 1999).

Jusqu’à présent, nous nous sommes appuyés principalement sur des  
discours narratifs (récits de vie en situation radiophonique) pour  
sonder cette hypothèse (Lacheret & al. 1998, Lacheret 2003). Il  
s’agit ici d’explorer un tout autre type de données, ou autre genre :  
des séquences explicatives extraites de corpus d’itinéraires, dont  
les premiers fondements d’analyse intonative sont présentés dans  
Lacheret & al. (2007)[5]. Deux modes de représentation sont ici en  
jeu : spatiale (évocation de lieux) et procédurale (déplacement).  
Autrement dit, un parcours dans l’espace peut être analysé de manière  
schématique comme un but à atteindre, le point d’arrivée, composé  
d’un ensemble de sous-buts, ou étapes intermédiaires au trajet. Le  
déplacement entre le point de départ et le point d’arrivée est  
considéré comme un trajet global et le déplacement entre deux étapes  
intermédiaires est vu comme un trajet élémentaire. L’objectif est de  
montrer comment l’organisation prosodique de ce type de discours  
relève de deux processus centraux : segmentation discursive et mise  
en saillance d’éléments, tous deux associés à l’empaquetage  
conceptuel en cours. En d’autres termes, les schémas prosodiques  
renseignent sur la représentation cognitive de l’énonciateur  
relativement à ces différents types de trajets et sur la façon dont  
il donne à voir l’objet de discours. En conséquence, elle nous permet  
de poser des hypothèses précises sur les indices perceptifs  
utilisables par le co-énonciateur pour s’approprier cette  
représentation.

En pratique, il s’agit de défendre une méthode d’analyse inductive et  
interprétative de la dynamique des constructions prosodiques. Cette  
approche repose sur l’analyse d’un jeu d’indices acoustiques précis  
et quantifiés (application d’un principe de quantité pour le repérage  
de proéminences et de frontières prosodiques de rang variable).  
L’hypothèse du principe de quantité et l’analyse qui en découle  
conduisent à la mise au jour de la représentation cognitive de  
l’espace à manipuler et à l’interprétation linguistique de ses  
différentes modalités de construction : évocation d’entités et  
saillance relative de ces entités, liage ou ruptures entre entités et  
relations de contraste ou de symétrie associées, marquage graduel des  
points de jonction et transitions, mais aussi parfois relations  
conflictuelles entre différents repères inhérentes à la planification  
spontanée du discours[6].


Références Bibliographiques

Berrendonner A. & al. (à par.) : Grammaire de la période.

Culioli A. (1999) : Sur quelques contradictions en linguistique.   
Pour une linguistique de l’énonciation, 2, Ophrys.

Fauconnier G., Sweetser E. (1996) : Spaces, Worlds and Grammar, The  
University of Chicago Press. 1996.

Lacheret-Dujour A., Ploux S., Victorri B. (1998) : « Intonation et  
thématisation en français parlé », Cahiers de Praxématique, 30, C.  
Fuchs & Ch. Marchello-Nizia (éd.), 89-111.

Lacheret (2003) : La prosodie des circonstants, Louvain, Peeters
Lacheret A., Victorri B., Avanzi M. (2007) : « La mise en scène  
intonative dans la description d’itinéraires en milieu urbain », in  
Structuration grammaticale et structuration discursive, Tranel, 47,  
79-102.
Victorri B, Fuchs C. (1996) :  La Polysémie. Paris, Hermès, 1996.




Sémantique du préambule :

descriptions de la périphérie gauche de l'énoncé oral spontané



Régis Missire, Catherine Rouayrenc



CPST - Université Toulouse 2 / ITEM – CNRS

CPST – Université Toulouse 2



Rompant avec une conception trop partiellement formulée en termes de  
détachement ou de dislocation des arguments verbaux, Morel et Danon- 
Boileau ont proposé dans leur étude du français parlé (1998) des  
descriptions renouvelées de la périphérie gauche de l’énoncé oral  
spontané. Ce qu’ils ont appelé préambule serait ainsi  justiciable  
d’une analyse tout à la fois intonative et segmentale, dont la forme  
maximalement décumulée consisterait en une suite ordonnée de  
constituants opposables par leur position et leur fonction,  
énonciative ou argumentale, selon le modèle général :



Préambule = ligateur + point de vue + modus dissocié + cadre +  
support lexical disjoint



Clairement onomasiologique (chacune des positions de ces séquences  
pouvant être occupée par des unités linguistiques de nature et de  
longueur variable), cette perspective théorique revêt, à côté d’une  
dimension formelle liée à la position relative des segments, un  
caractère interprétatif s’agissant de l’assignation de telle fonction  
à telle partie du préambule. C’est à détailler la distribution entre  
paramètres sémantique et syntaxique (i.e. positionnel) que nous  
souhaitons consacrer cette communication, en nous attachant en  
particulier :



(i) à décrire les modalités de « conflit » entre contraintes  
positionnelle et sémantique : par exemple, alors que certaines  
particules énonciatives manifestent préférentiellement telle  
dimension sémantique, que se passe-t-il quand elles apparaîssent dans  
une position non canonique ? sont-elles tendanciellement  
recatégorisées, ou bien la prescriptivité de cet ordre canonique  
souffre-t-elle des aménagements ? On montrera notamment qu’il  
convient de distinguer au moins deux grands types de parcours  
thématiques dans le préambule en fonction de la position du support  
lexical disjoint.



(ii) à étudier les les façons dont les catégories locutoires  
s’instancient, en prêtant notamment attention aux différents jeux de  
décumul ou d’amalgame de ces catégories, pour lesquels on proposera  
une typologie (on distinguera par exemple le figement linguistique de  
segments solidarisant plusieurs de ces dimensions (p.ex : « je sais  
pas mais ») et l’indifférenciation entre certaines de ces catégories  
(p. ex certains emplois de « moi » qui peuvent être tout à la fois  
point de vue, cadre ou support disjoint).





Références bibliographiques :



Icart-Séguy, H., (1976), Dialogue de femmes, documents et archives  
pour la recherche sociolinguistique, Université de Toulouse II.

Blanche-Benveniste, C, Rouget, C., Sabio F., (2002), Choix de textes  
de français parlé, Honoré Champion, Paris.

Blanche-Benveniste, C et alii, (1990), Le français parlé. Études  
grammaticales, Paris, CNRS.

Morel M.-A., Danon-Boileau, L., (1998), Grammaire de l’intonation.  
L’exemple du français oral, Ophrys.






Le programme néosaussurien et la sémantique de l’oral





Simon Bouquet

Université Paris X Nanterre





Divisée entre des approches logico-grammaticales se réclamant souvent  
d’un « cognitivisme » hégémonique et des approches herméneutiques  
dispersées – les premières comme les secondes souffrant d’un déficit  
de réflexion proprement générale –, on peut tenir que la linguistique  
est aujourd’hui, à cet égard, une discipline en crise.  Dans cette  
conjoncture, tenter de clarifier de possibles bases épistémologiques  
communes à de champs de recherche multiples apparaît comme une tâche  
salutaire.

A cette fin, une hypothèse mérite d’être examinée : la vision de  
Saussure pourrait, une nouvelle fois dans l’histoire des sciences  
humaines, jouer un rôle fondateur quant à une telle clarification  
épistémologique.  En effet, le manuscrit De l’essence double du  
langage, retrouvé en 1996 et publié en 2002 (Ecrits de linguistique  
générale, Paris, Gallimard), n’a pas seulement permis de relire  
l’ensemble du corpus des textes originaux saussuriens et d’apprécier  
combien ceux-ci sont incommensurables au Cours de linguistique  
générale ; il peut également être considéré comme l’esquisse,  
consistante et originale, de principes épistémologiques propres à  
définir une science du langage unifiant linguistique de la langue et  
linguistique de la parole.



Ces principes épistémologiques – qu’on qualifiera de néosaussuriens  
pour les différencier de ceux reçus du Cours – se laissent développer  
dans les quelques propositions suivantes :

1. la description du langage par une science dite linguistique peut  
être conçue comme articulant inséparablement deux domaines  
d’analyse : celui de la langue et celui de la parole – ou du discours  
(« Sémiologie = morphologie, grammaire, syntaxe, synonymie,  
rhétorique, stylistique, lexicologie etc., le tout étant inséparable  
», ELG, p. 45) ;

2. cette linguistique duelle est concevable, essentiellement, sur la  
base de deux principes généraux – le principe de sémioticité et le  
principe de différentialité  – posés comme transversaux à ses deux  
domaines :

2.1. le principe de sémioticité postule un objet homogène pour la  
linguistique de la langue : l’objet « signe » ; celui-ci ressortit à  
trois sphères de « signes locaux » – dont les unités irréductibles  
sont respectivement : le phonème, le morphème, la position syntaxique  
–, ces unités sémiotiques se composant dans des plexus sémiotiques, à  
la fois par une articulation interne à leurs trois sphères et par la  
triple articulation de ces sphères entre elles ; selon le principe de  
sémioticité étendu à la linguistique de la parole, cette dernière a  
affaire à des « signifiés globaux » qui (a) s’étendent à la totalité  
d’une séquence de parole analysée, (b) peuvent être regardés comme  
composant eux-mêmes des unités et des plexus, (c) déterminent  
l’interprétation des signes locaux de la langue ;

2.2. le principe de différentialité pose que les signifiés de langue  
et des signifiés de parole peuvent être décrits par une notation (une  
« littéralisation ») strictement différentielle – en d’autres  
termes : par une algèbre répondant exclusivement des relations  
systémiques des objets posés comme « signes » par le principe de  
sémioticité ;

3. concevoir que l’analyse des signifiés de langue et des signifiés  
de parole est inséparable – et, d’autre part, que ces deux types de  
signifiés peuvent faire l’objet d’une littéralisation différentielle  
– revient à postuler une quadruple articulation du langage, dont rend  
compte, crucialement, l’écriture de « lois de corrélation » régissant  
la détermination des signifiés locaux de la langue par les signifiés  
globaux de la parole.



Après avoir précisé les grands traits de cette perspective  
épistémologique, on l’illustrera par une application à la «  
sémantique de l’oral », en examinant comment une « grammaire de  
langue » différentielle des pronoms personnels français se laisse  
articuler à une « grammaire de parole » différentielle, pour rendre  
compte de l’intégralité des emplois possible desdits pronoms personnels.




Semantic prosody: mirroring contextual variation in oral and written  
language.


Bill Louw

University of Zimbabwe



(texte inédit présenté par Carmela Chateau, Université de Bourgogne)



The term ‘prosody’ has always implied a predisposition for the spoken  
word rather than its written counterpart (Cudden, 1979: 537; Abrams,  
1971:139). Even Grice (1978: 124) supposes that irony will be  
instantiated as a form of tone of voice. Recourse to a specialized  
treatment of the relevant linguistic terms (Crystal, 1975) offers  
little help: definitions for paralanguage or paralinguistic features  
are redolent with the idea that voice gesture is involved in many  
aspects of their realisation. However, very few scholars have  
questioned the issue of tone to the point of asserting that the  
nuances of meaning inherent in phenomena such as irony might be  
recoverable within the fabric of the language itself, rather than  
merely within its suprasegmental features, or even its grammatical  
and structural elements. The key to taking this inquiry further lies  
in pursuing the analogy provided by ‘gesture’ by means of  
probabilistic, predictive and computational models that relate the co- 
occurrence of linguistic forms to the situational and cultural  
contexts that generate them (see Sinclair’s (2006) pamphlet entitled  
Phrasebite). Empirical respectability for doing this resides in the  
use of large corpora of natural language, such as the Bank of English  
and the British National Corpus. One example of this type of model,  
based upon Breal’s notion of meaning by contagion, is to be found in  
Louw’s (1993) widely-quoted article that establishes binarity of  
choice for all breaches of a semantic prosody: irony or insincerity.  
This study and its widely ignored further proof (Louw, 2000) by means  
of the automation of Firthian (1957) assertions and Sinclairean  
amplification (1991) make the case not only for the fact that  
exceptions to a semantic prosody (Louw, 1993) are scientifically  
recoverable, but that the binary distinction operates at levels of  
empirical reliability that are self-verificatory (louw, 2003) of the  
scientific rigour underpinning semantic prosody. This fact frees  
earlier investigations from their reliance upon the limited range of  
intuitively-derived examples or poorly recorded voice recordings that  
are often produced to establish claims made for a tone-of-voice  
model. Collocation alone is capable of settling the matter as to how  
precisely context and culture imprint themselves upon the fabric of  
language through newly discovered forms of markedness (Enkvist, 1973;  
Louw, 2003, 2007; 2008). These forms of markedness (delexicalisation  
and relexicalisation) (Sinclair, 2004: 181) are themselves the  
product of  (1) Firth’s (1957) assertion, proved by Sinclair in the  
OSTI Report (Krishnamurthy, 2004) that collocation is not a syntactic  
phenomenon, but ‘abstracted’ from syntax, (see Halliday, 1966,  
contra) and (2) that all literary and humorous devices have in common  
the phenomenon of relexicalisation (Louw, 2008). The net result of  
this corpus-based approach to meaning is that voice and gesture  
theories may now be abandoned in favour, not of syntactic methods,  
but of methods that have opened for inspection the contexts of  
culture and situation. These operate at the high level of  
abstractness assigned to collocation by Firth (1957), in conjunction  
with Malinowski (1935), Sinclair (2006) and Louw (2007; 2008) for  
collocation as instrumentation for language and by Louw (2008) using  
the work of Wittgenstein (1922) and Frege (1884) to determine the  
segmentation or chunking (see also Sinclair and Maurenen, 2006) of  
contexts rather than co-texts, and of Carnap (1928) and Russell  
(1947) to determine the nature of events and their recoverability  
using computational means.

Références bibliographiques :



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John Sinclair. Birmingham: ELR.

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www.lingue.unibo.it/ceslic/e_occ_papers.htm

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Pears and D.F.

McGuiness, 1960. London: Routledge and Kegan Paul.

Mouvements du regard, des mains et de la mélodie : coénonciation,  
colocution et gestion du sens dans le dialogue en français.



Mary-Annick Morel

Paris 3 – Sorbonne Nouvelle (EA 1483)



La présentation repose sur l’analyse de plusieurs corpus de dialogues  
enregistrés en audio et en vidéo. Il s’agit d’analyser les  
cooccurrences d’indices (direction du regard, variations de la  
mélodie, éventuellement geste de(s) main(s)) accompagnant la gestion  
du sens par le parleur et les anticipations coénonciatives que ces  
indices manifestent. Il s’agit également de prendre en compte les  
productions sonores ou gestuelles de l’écouteur (celui auquel les  
propos sont adressés) et de proposer des hypothèses plus précises sur  
son temps de réaction, et sur la nature des indices qui traduisent  
l’interprétation des anticipations faites par le parleur, du côté de  
l’écouteur.





Références bibliographiques


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Hascoet N., Le geste et l’intonation à l’oral spontané : une étude de  
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Morel M.-A. & Danon-Boileau L., Grammaire de l’intonation. L’exemple  
du français oral, Paris-Gap, Ophrys, 1998.

Morel M.-A., La reformulation dans le dialogue finalisé en français.  
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l’interaction, Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, tome  
XCVI–2001, fasc.1, Louvain, Peeters : 227-240.








[1] Bribe était le terme choisi par l’équipe du GARS pour éviter un  
jugement de valeur dans la terminologie (Blanche-Benveniste et  
Jeanjean 1985).
[2] Terminologie explicitée par exemple dans Ferreira & Bailey 2004,  
Heeman, McMillin & Yaruss 2006.
[3] J’ai tenté à plusieurs reprises de rendre compte des processus  
dynamiques de constitution du sens, révélés par les bribes (Blanche- 
Benveniste 2003, 2005).
[4] Piles est le terme choisi par S. Kahane et K. Gerdes dans un  
article à paraître.
[5] Certes, ce types de données conforte merveilleusement bien une  
certaine façon de travailler en sémantique qui repose sur une  
conception spatiale des représentations cognitives (Fauconnier &  
Sweetser 1996, Victorri & Fuchs 1996). Néanmoins, si nous considérons  
que l’opération de repérage constitue un processus inhérent au  
fonctionnement discursif en général (repérage spatial ici, temporel  
là, modal ailleurs), il est possible de faire émerger des principes  
d’organisation prosodique génériques qui, par delà la variation de  
genres, reflètent la dynamique des constructions discursives et  
praxéologiques (mise en saillance d’unités, empaquetage) et sont  
déclencheurs d’effets interprétatifs précis.

[6] Voir les concepts de schémas d’action : <action-confirmation> vs.  
<action-réfection> travaillés dans le cadre de la Grammaire de la  
période (Berrendonner & al., à par.)
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