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Amr Ibrahim ahi779 at YAHOO.FR
Fri Sep 21 12:35:29 UTC 2012


APPEL A CONTRIBUTION  - 2ème circulaire
 
Colloque international
La langue, la voix, la parole
 
Organisé par Amr
Helmy Ibrahim à la Sorbonne 
les 17, 18 (Salle
J636) & 19 janvier (Salle des actes) 2013 
 
            Lorsque la voix décline une langue,
elle livre toujours un début et une fin, une durée qui est aussi un mouvement
et une modulation, une scansion,  une
identité catégorisée et aussi spécifique qu’une empreinte digitale, une charge
plus ou moins négative ou positive d’affectivité,  l’infrastructure d’une musique et enfin, mais
seulement à la fin, un sens.
 
            La voix peut avoir une valeur
esthétique ou patrimoniale. Elle est toujours, qu’elle ait été enregistrée par
un appareil ou par la mémoire humaine, distinctive. On conserve, à peu de chose
de près, sa voix, longtemps après avoir été dépossédé de son image et c’est par
sa voix qu’on est, malgré le temps passe, le mieux reconnu.
 
            Aucun art, aucun outil, ne peut
prétendre, lorsqu’il est passé par le crible de la langue, à une aussi parfaite
complétude.
 
            C’est que la langue, probablement le
seul trait absolument distinctif de notre espèce, pourrait bien être le produit
d’une triple adéquation : d’abord entre une forme harmonique élémentaire,
la syllabe, et un modèle potentiellement paradigmatique de référence, une
virtualité sémantique; ensuite entre ces entités acoustiques autonomes qui se
chevillent à des realia et des catégories grammaticales; enfin entre ces formes
harmoniques complexes que sont les schémas prosodiques et constructions
syntactico-sémantiques que sont les schémas de phrases. Avec cette dernière
adéquation, la complétude harmonique et la bonne formation grammaticale se
rejoignent pour produire l’énoncé de l’événement prédicatif.
 
A chacune de ces étapes, le sens ne prend forme qu’à
la condition expresse que les modulations qu’une personne imprime à sa voix
fassent consensus, c’est-à-dire qu’on y démêle une parole commune – interprétée
conventionnellement - et une inflexion personnelle – interprétée subjectivement
-, une référence partagée – consignée dans les ouvrages patrimoniaux et la
mémoire collective - et un rapport nouveau, sélectif ou atypique à cette
référence. Les constituants de chacune de ces trois étapes s’articulent selon
une configuration  triangulaire qui
mobilise à chaque fois, un schème harmonique, une classe de relations
phono-syntaxiques et un modèle potentiellement paradigmatique de référence.
 
Nous n’avons aucune prise reproductible sur le modèle
potentiellement paradigmatique de référence, c’est-à-dire sur les virtualités
de la sémantique de la cognition, autrement qu’en analysant notre rapport aux
formes harmoniques et à la manière avec laquelle nous les articulons aux formes
grammaticales.
 
            En d’autres termes, pour faire sens,
les inflexions, les modulations, les découpages et les battements de la voix,
qu’elle soit ou non chantée, sont sommés d’établir une congruence particulière
entre des configurations harmoniques et des configurations grammaticales, entre
une forme qui est acceptée du fait qu’elle correspond à un accord musical et
une autre forme qui n’est acceptée que parce qu’elle se plie aux règles d’une
grammaire. Le sens n’existerait pas sans cette articulation fondatrice.
 
            Nous invitons tous ceux, linguistes
et non linguistes, qui se sentent concernés par les effets et les pouvoirs de
la voix humaine à interroger ces articulations et cette congruence. A les
illustrer ou à les infirmer. En se focalisant de préférence sur des propriétés
mesurables, reproductibles et représentables.
 
            Les contributions pourront se positionner
dans cinq domaines qui sont aussi cinq champs de recherche actuels sur le
sujet :
 
(1) La recherche fondamentale sur le
rapport entre la dimension sonore des langues, leur dimension grammaticale et
leur dimension signifiante. De la phonologie de la phrase de Karcevsky (1930) à
la triple adéquation de Ibrahim (2009 & 2010) en passant par Rossi (1999)
et Martin (2009) toutes les options sont ouvertes pour poser le problème.
(2) La place de la voix dans la
recherche sur les origines des langues. On pourra partir entre autres de
Carstairs-McCarthy (1999).
(3) Le rôle des différents aspects de
la dimension sonore dans l’acquisition de la langue. On trouvera notamment
matière à réflexion dans Castarède & Konopczynski (éds) (2005) et dans
Martel & Dodane (2012) 
(4) La place et la fonction de la voix
dans la didactique des langues. On peut réagir entre autres à Gillie-Guilbert
(2005).
(5) La part des caractéristiques
vocales dans la formation du jugement et la naissance des émotions. On pourra
prolonger ou discuter Zei Pollerman (1995 & 2005) et Caelen-Haumont (2002
& 2007)
 
            Une suggestion, une question et une
prise de position.
            
Dans une mémoire rêvée, Verlaine ne retient, pour
rappeler à la vie l’aimée, que l’articulation de son nom, les traits de sa voix.
Aucune autre dimension physique caractéristique de la personne n’est retenue,
ni la couleur ou le contact des cheveux, ni le dessin ou la couleur des yeux,
ni même la physionomie, rien qu’un regard de statue et, détaillée, une voix :
 
            Est-elle brune, blonde ou
rousse ? – Je l’ignore.
            Son nom ? – Je me souviens
qu’il est doux et sonore
            Comme ceux des aimés que la Vie
exila.
 
            Son regard est pareil au regard des
statues
            Et pour sa voix, lointaine et calme,
et grave, elle a
            L’inflexion des voix chères qui se
sont tues.
 
            D’où vient à la voix cet empire ?
 
            Probablement du fait qu’elle peut
simuler la plupart des effets qui ne sont pas dans ses cordes sans que la
réciproque ne soit vraie. Et que même quand elle n’a pas tout dit, transmis ou
montré, elle a envahi plus qu’aucune autre action sensible la quasi-totalité de
l’espace perceptible, imposé une réaction et un jugement qui embrassent
l’événement dans sa globalité.
 
            On aura certes beau jeu d'invoquer
ce que la voix ne peut pas faire et qui a toujours été le domaine réservé des
arts plastiques – peinture, photographie ou cinéma -: animer un geste,
pointer, orienter, délimiter une forme, définir une perspective,
contraster un objet ou jouer des effets sur son relief de la lumière ou de la
couleur, faire du volume ou de l'épaisseur de l'être ou de l'objet sa propriété
définitoire.
 
            On pourra aussi, on pourra surtout opposer à la voix le contact et
le goût qui définissent un être ou un objet par sa texture, sa malléabilité, sa résistance, sa solidité, sa souplesse, sa densité, sa rigidité, sa flexibilité, sa profondeur, mais aussi
son électricité, sa chaleur.
 
            On pourra enfin, identifier, juger, accepter ou rejeter l'ensemble de
l'être ou de l'objet sur la foi de sa seule odeur etfaire des
paramètres du parfum la source unique de la sensation.
 
            Mais contrairement à la voix qui
convoque d'emblée et simultanément la personne qui l'a produite en même temps
que la totalité de la langue où elle a pris sons sens, le geste, l'image, et
même le toucher ou l'odeur n'ont de sens que s'ils sont déchiffrés par un code
qui leur est étranger. Alors que la voix est constitutive de celui qui la
produit et de ce qu'elle signifie, autrement dit qu’elle est à la fois
l’auteur, l’instrument et le code de ce qu’il y a à comprendre, les autres
organes et systèmes de production et de perception humains ne prennent sens
qu’en dehors d’eux-mêmes.
 
            La voix compense son impuissance à
délimiter les formes – à les dessiner - à représenter le mouvement – par des
gestes – et à décomposer la lumière – par des couleurs – en occupant
entièrement l’espace où elle se déploie avec des modulations qui le
subdivisent, le hiérarchisent et y mettent en scène des mouvements inséparables
de leur effet. Et ceci à un niveau premier, antérieur à celui auquel les
artistes ou le commun des mortels établissent dans leur expression des
synesthésies ou exploitent des associations métaphoriques.
 
La voix de l’Autre – où nous reconnaissons la nôtre -,
des Autres – à laquelle on s’ajuste on dont on se démarque -, d’un Autre – que
nous empruntons spontanément ou en la théâtralisant – peut aussi être la source
de toute voix, la forme qui fait de la voix proférée dans l’empan d’un canon
plus ou moins contraignant, un acte instituant et un modèle potentiellement paradigmatique
de référence comme cela s’est vraisemblablement produit à la naissance des
langues et comme cela se produit lorsque la parole s’institue en norme ou se
donne comme sacrée. Dans tous ces cas, le mode de production de la voix –
chuchoté, susurré, parlé, déclamé, dicté, chanté, entonné, psalmodié, récité, …
- surimpose une classe de significations plus ou moins compatibles avec le sens
proprement dit et articule la parole de l’individu énonciateur à d’autres
paroles selon des configurations préétablies et strictement régulées, traçant
des frontières qui peuvent être, selon les protocoles reçus de construction du
sens dans une communauté de langue et de culture, plus ou moins mouvantes et
sans enjeux décisifs ou au contraire particulièrement étanches et objet
d’enjeux où une communauté investit son identité et l’idée qu’elle se fait de
son excellence et de sa pérennité. 
 
******* Les
interventions, obligatoirement en langue française, s’étaleront sur 45 minutes
dont cinq à dix minutes de discussion, les jeudi 17 (9h à 18h), vendredi 18 (9h
à 18h) et samedi 19 (9h à 13) janvier 2012. Le colloque se tiendra dans les
locaux historiques de la Sorbonne.
 
******* Les
propositions d’intervention  - n’excédant
pas, tout compris, une page (Times 11 – simple interligne) – sont à adresser à cellulerecherchelinguistique at gmail.com avant le 30 septembre 2012 avec deux fichiers au format word pour pc : une
page anonyme contenant la proposition et une fiche nominative de l’intervenant
comportant impérativement ses coordonnées électroniques, postales et
téléphoniques ainsi que son statut professionnel. Les auteurs seront notifiés
de l’acceptation ou du refus de leur proposition avant le 31 octobre 2012. Les auteurs
des propositions retenues s’engagent alors à fournir avant le 30 novembre un
résumé long (1500 à 2000 mots références comprises).
 
******* Le
programme définitif sera mis en ligne dans le courant de la première moitié de
décembre 2012. Les droits d’inscription pour les intervenants (80€ couvrant le
livret comportant les résumés des interventions, les repas de midi de jeudi et
vendredi et les pauses café) devront être réglés par virement ou chèque
bancaire compensable en France avant le 31 décembre 2012.
 
******* Les
communications effectivement présentées et elles seules, feront l’objet d’une
publication qui sera soumise à une deuxième évaluation.
 
 
 
Comité scientifque (susceptible
d’être complété)
 
Michel Arrivé – Université
Paris-Ouest (La Défense – Nanterre)
José Deulofeu – Université
Aix-Marseille
Mohamed Embarki – Université de
Franche-Comté (Besançon)
Gilbert Lazard – Académie des
Inscriptions et des Belles Lettres (Institut)
Philippe Martin – Université
Paris-Diderot
Claire Martinot – Université
Paris-Sorbonne
 
 
Contact du
colloque   cellulerecherchelinguistique at gmail.com     
 
Références
 
Caelen-Haumont,
Geneviève, 2002, Prosodie et dialogue spontané: valeurs et fonctions
perlocutoires du mélisme, Travaux Interdisciplinaires du Laboratoire Parole
et Langage, vol. 21, 13-24.
Caelen-Haumont
, Geneviève & Zei Pollermann, Branka, 2007, Voice and
Affect in Speech Communication ,  K. Izdebski Ed : Emotions in the Human
Voice, Volume 1, 215-232, Plural Publishing.
Carsters-McCarthy,
Andrew, 1999, The Origins of Complex Language : An Inquiry into the
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Castarède,
Marie-France & Konopczynski, Gabrielle, (éds), 2005, Au commencement
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Lien : http://www.cairn.info/au-commencement-etait-la-voix--9782749205311.htm.
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Gillie-Guilbert, Claire, 2005,
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Marie-France & Konopczynski, Gabrielle, (éds), Toulouse : ERES, 87-96.
Hockett,
Charles F., 1960, The Origin of Speech, Scientific American 203/3,
89-97.
Ibrahim, Amr Helmy, 2009, Les conditions de la prédication dans
les langues, Prédicats, prédication et structures prédicatives, (Amr
Helmy Ibrahim éd.), Paris : CRL, 12-49.
                2010, Supports
d’actualisation et dualité constitutive de la prédication, Supports et
prédicats non verbaux dans les langues du monde, (Amr Helmy Ibrahim éd.),
Paris : CRL, 36-73.
Karcevski, Serge, 1930, Sur la
phonologie de la phrase, in (Karcevski, Serge, 2000, Inédits et
introuvables, Textes rassemblés et établis par Irina et Gilles Fougeron –
Collection linguistique de la Société de Linguistique de Paris – LXXX), Communication
présentée le 19 décembre 1930 à la Réunion phonologique internationale à Prague – Publiée pour la 1ère fois dans le n°4 des Travaux du Cercle
linguistique de Prague (1931 : 188-227), Leuven : Peeters,
87-124.  
Martel, Karine, & Dodane, Christelle, 2012, Le rôle de la prosodie
dans les premières constructions grammaticales : étude de cas d’un enfant
français monolingue, French Language Studies 22, Cambridge University
Press, 13-35.
Martin, Philippe, 2009, Intonation
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Martinet, André, 1960 – 2003, Éléments de
linguistique générale, Paris: Armand Colin [Pour la double articulation cf pp. 13-15 de la 4e éd. de 2003].
Mersenne, Marin, 1636, Harmonie
universelle, contenant la théorie et la pratique de la musique, 3 vol.,
Paris: Sébastien Cramoisy - Réimprimé en 1965 par le CNRS, [Livre premier Traitez
de la nature des sons, et des mouvements de toutes sortes de corps, 67p. http://www.chmtl.indiana.edu/tfm/17th/MERHU1_1_TEXT.html (Traités français sur la musique mis en ligne par l'Université d'Indiana).
Rossi, Mario, 1999, L’intonation,
le système du français : description et modélisation, Paris :
Ophrys, 237p.
Rousseau, Jean-Jacques, 1753, Lettre
sur la musique française, 25p. Lien : http://www.musicologie.org/theses/rousseau_lettre.html 
Zei, Branka, 1995, Au commencement
était le cri. Note sur la voix humaine, son importance et ses infinies
subtilités, Le temps stratégique, 96-105.
Zei Pollermann, Branka, 2005,
Qu'exprime la prosodie affective : l'état du corps ou l'état de l'esprit? Proposition d'un modèle unifié de
l'émotion et de cognition, Au commencement était le cri, Castarède, Marie-France & Konopczynski, Gabrielle,
(éds), Toulouse : ERES, 97-104.
 
 
Amr Helmy IBRAHIM - Linguiste
Professeur à l'Université de Franche-Comté
Directeur de Recherches à Paris-Sorbonne

Chercheur à l'IFAO (Institut Français d'Archéologie Orientale du Caire)
Président de la CRL (http://www.cereli.fr)


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