Q: Correcteurs orthographiques et grammaticaux
Pierre Zweigenbaum
pz at biomath.jussieu.fr
Fri Jun 11 22:22:52 UTC 1999
Date: Thu, 10 Jun 1999 09:05:12 +0200
From: Jean Veronis <Jean.Veronis at newsup.univ-mrs.fr>
Message-Id: <3.0.6.32.19990610090512.007c69d0 at up.univ-mrs.fr>
Chers amis,
Dominique Laurent, de la société Synapse (développeur du correcteur
Cordial, maintenant intégré à MS Office 98) me fait parvenir la dépêche de
l'AFP ci-dessous. Il semblerait que certains journaux dont le Figaro se
soient fait largement l'écho de cette prise de position et soient tombés à
bras raccourcis sur les correcteurs. Quelqu'un en sait-il plus? Que faut-il
penser de tout cela? Bien sûr, la correction grammaticale n'est pas tout à
fait au point, mais elle progresse, et on pourait assassiner de la sorte à
peu près toutes les technologies du langage et de la parole dans leur état
actuel, et ainsi tuer les recherches dans l'oeuf... Outre l'aspect assez
dictateur du dernier paragraphe, auquel je suis particulièrement
allergique, il me semble que l'Académie n'ait pas été vraiment scientifique
dans sa méthode: le logiciel testé semble être relativement ancien, le fait
que les nouveaux correcteurs attirent désormais l'attention du rédacteur
par des questions ("ex: vérifiez l'accord entre x et y") au lieu de
proposer des corrections péremptoires n'est pas pris en compte, etc. Et
puis les correcteurs sont-ils faits pour corriger des textes littéraires,
surtout remontant au XVIe siècle? Enfin, tout ceci ne peut que créer un
amalgame dans l'esprit du public : s'il est vrai que les correcteurs
grammaticaux demandent encore du travail, il me semble que les correcteurs
orthographiques sont d'une utilité quotidienne pour la détection des fautes
de frappe et des fautes "d'usage" (combien de p à "développer"?) que nous
faisons tous.
Bref, il me semble que l'Académie prend une position manquant de nuances,
dangereuse pour notre discipline. Devons-nous répondre?
Jean Véronis
Professeur de Linguistique et Informatique
Université de Provence
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L'Académie française met en garde contre des logiciels de correction
PARIS, 21 mai (AFP) - L'Académie française met "très gravement" en garde
contre les logiciels dits de "correction grammaticale" qui équipent la
grande majorité des ordinateurs du commerce.
"Ces logiciels ne sont pas au point et leurs analyses prétendument
grammaticales sont le contraire de fiables", dit-elle dans un communiqué.
Cette mise en garde a été adopté à l'unanimité par l'Académie dans sa séance
de jeudi.
L'Académie, qui a soumis à cette correction informatique des textes de
grands écrivains, échelonnés sur quatre siècles, déplore que "la machine
confonde régulièrement le pronom personnel indéfini "on" et le pluriel du
verbe avoir "ont".
"La machine aligne le genre des articles ou des adjectifs sur le
substantif le plus proche : +resterai-je seul rue de Cheverus?+ (François
Mauriac). Remarque de l'ordinateur : "il faut écrire "seule" pour accorder
avec le féminin de rue", ajoute l'Académie.
Dès que des auteurs - dont Victor Hugo et Paul Valéry - écrivent : "il
poursuivit", "j'entendis", "il suivit", "les noirceurs qui précédèrent",
"ces pensées s'enchaînèrent", "ils ont uniformément droit à cette réprimande
: éviter le passé simple", poursuit-elle.
"Pour quelle raison l'informatique prétend-elle bannir un temps verbal si
nécessaire à toute narration et d'un emploi si constant dans toutes les
langues européennes?", s'interroge l'Académie. "Là, le coupable est le
spécialiste qui a nourri le logiciel" et qui "obéit à un préjugé",
précise-t-elle.
"Si les moyens juridiques d'interdiction n'existent pas, ou pas encore,
l'Académie préconise que les autorités compétentes proscrivent l'usage de
tels logiciels dans les administrations, organismes publics et
établissements d'enseignement", conclut-elle.
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