Soutenance thèse A.Lescano - EHE SS, Paris - 17 octobre
Clara Romero
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Mon Oct 13 15:53:57 UTC 2008
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Sent: Monday, October 13, 2008 12:10 PM
Subject: Soutenance thèse A.Lescano - EHESS, Paris - 17 octobre
J'ai le plaisir de vous inviter à la soutenance de ma thèse,
intitulée Vers une grammaire argumentative de la phrase : le cas de
l'article défini et indéfini en français et en espagnol, ainsi
qu'au pot qui suivra.
La soutenance aura lieu le vendredi 17 octobre à 14 h, salle 1 de
l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (105 bd Raspail, 75006
Paris).
Le jury sera composé de:
Marion Carel, EHESS, directeur
Jacques Jayez, ENS-LSH, directeur
Laurent Perrin, Université de Metz, rapporteur
Marta Tordesillas, Universidad Autonoma de Madrid, rapporteur
Cordialement,
Alfredo Lescano
⎯⎯
Résumé de thèse
L’objectif général de cette thèse est d’amorcer une grammaire
argumentative de la phrase à partir de la description des articles
"le" et "un" du français et "el" et "un" de l’espagnol. Avec le
terme « grammaire argumentative » nous nommons l’ensemble de
connaissances qui permet de prévoir la signification d’une phrase
dans la « couche argumentative » du sens. En effet, ce qu’un
énoncé communique n’est pas homogène, car dans son sens
s’étalent (au moins) deux couches sémiotiques : une couche où
comptent les conditions de vérité et la référence ; une autre qui
permet de s’interroger sur la présence d’un discours dans un
autre, discours que l’on assumera de nature argumentative (il s'agit
d'une réinterprétation de l'idée de "layered meaning" de Jayez,
2005) . Généralement, les approches qui s’occupent de la
détermination nominale privilégient les effets des articles sur la
couche référentielle du sens, en observant les conditions que les
articles imposent pour que celui-ci soit dit avec vérité. Notre
recherche s’inscrit dans la couche argumentative du sens, que nous
analysons en articulant deux volets : une théorie sur le contenu
argumentatif, la Théorie des blocs sémantiques (Carel et Ducrot,
1999 ; Carel 2005), et une théorie sur le mode de présentation des
contenus, la Théorie de la polyphonie (Ducrot, 1984 ; Carel, 2008).
L’étude de l’article permet de conclure que la grammaire
argumentative de la phrase doit en même temps manipuler ces deux
volets et, aussi, qu’elle est en général indépendante des
phénomènes concernant la couche référentielle.
Le contenu argumentatif que l’énoncé communique est une entité
bicéphale composée d’une part de discours argumentatifs qui
peuvent être « normatifs » (grosso modo, en donc) ou «
transgressifs » (en pourtant), et qui sont des discours singuliers,
et, d’autre part, de familles de discours argumentatifs, sorte de
prédicats argumentatifs qui fournissent la clef de voûte de
l’interprétation de l’énoncé. Ainsi, dans le contexte adéquat,
Pierre est prudent communiquera le discours singulier si Pierre se
retrouve devant un danger, il prend des précautions, en même temps
que le prédicat argumentatif {danger DC précaution}, où DC marque
le caractère normatif (il rappelle "donc") de cette entité. Les
différents éléments de l’énoncé ne participent pas de la même
manière à la construction de l’un ou l’autre de ces deux
composants du contenu : il y aura des termes plus « importants »,
qui contribuent à l’expression du prédicat argumentatif, et
d’autres, plus « anecdotiques », dont le rôle se limitera à
apporter ce qui peut différencier le discours singulier communiqué,
d’autres discours exprimant le même prédicat. Dans notre exemple,
prudent fournit le prédicat argumentatif que l’énoncé exprime,
tandis que Pierre donne ce qu’a de singulier le discours
argumentatif qui fait partie du contenu communiqué (il concerne
Pierre, et pas Marie). Les articles défini et indéfini (de
l’espagnol et du français) véhiculent des instructions sur le
rôle que le GN peut remplir vis-à-vis de la construction du contenu
que l’énoncé pose. L’une des différences les plus spectaculaires
est que seul le GN à article indéfini n’est jamais
argumentativement « anecdotique ». Ce phénomène permet
d’expliquer des contrastes bien connus comme :
{La + # Une} femme est chauve. (Kleiber, 1981)
{Le + # Un} madrigal est populaire. (Lawler, 1973)
En effet, les phrases en "un" sont difficilement interprétables car on
cherche en vain le prédicat à l’expression duquel le GN participe,
tandis qu’avec le le prédicat provient du GV, le GN se limitant à
singulariser le discours évoqué. Le même principe permet de rendre
compte du fait que, sans une justification contextuelle, un énoncé
comme :
Un nonagénaire s’est marié. (Galmiche, 1986)
est plus naturel que :
Un homme s’est marié.
car le premier énoncé permet très aisément l’expression du
prédicat argumentatif {nonagénaire PT se marier} (le prédicat est «
transgressif », PT veut rappeler "pourtant"), alors qu’il est bien
difficile d’interpréter le second comme exprimant un prédicat à
l’aide du mot homme ({homme DC se marier}, par exemple, n’est pas
une option, l’énoncé ne disant pas qu’un tel s’est marié à
cause de sa qualité d’être homme).
En ce qui concerne le volet polyphonique, nous le déclinons en quatre
« tons », en reprenant trois des énonciateurs proposés par Carel
(2008), le Monde, le Locuteur, IL, et en en incorporant un, à nos
yeux, fondamental : le Témoin. Le témoin est le ton de la
focalisation narrative (cf. le « témoin » de Genette, 1972), et
aussi celui de beaucoup d’énoncés qui construisent un
interlocuteur qui n’a pas accès à ce dont on parle (tel le témoin
des procès judiciaires ou de l’Histoire). Face à la difficulté à
définir ces tons par des critères fondés sur l’intuition tels que
la « subjectivité » ou l’« objectivité » du contenu, nous
proposons un critère discursif : chaque ton sera caractérisé par sa
« force rhétorique », c’est-à-dire, par sa capacité à réfuter
des énoncés posant un contenu dans les différents tons, ainsi que
par la possibilité qu’il ouvre à sa propre réfutation. Pour ne
prendre que les deux
cas extrêmes, parler sur le ton du Monde sera parler sur un ton
irréfutable (ou qui ne peut être réfuté que par un autre énoncé
parlant sur le ton du Monde), alors que parler sur le ton de IL
(comme dans les énoncés de la forme "il paraît que p") sera
employer le ton rhétoriquement le plus faible. Ce qui est
particulièrement intéressant c’est que le choix du ton sur lequel
le contenu est posé peut être contraint dès le niveau de la phrase.
Les articles défini et indéfini font partie des éléments qui
contraignent ce choix. En effet, l’article indéfini n’autorise
que le Témoin et le Locuteur (certaines positions syntaxiques du GN
décident pour l’un ou l’autre), alors que l’article défini,
sauf quand il fait partie d’un GN argumentativement « anecdotique
», impose le ton du Monde. C’est ce qui apparaît dans :
Un / Le soldat français sait résister à la fatigue.
Si, comme le suggère Guillaume, la version en "un" s’accommode mieux
à une réplique (de la part du soldat français, visiblement
fatigué, à celui qui vient de le plaindre) et la version en "le" a
un caractère plutôt « livresque », c’est (en partie) parce
qu’avec "un" on emploie le ton du Locuteur, alors qu’avec "le" on
parle sur le ton du Monde. Les conditions du type « si le GN n’est
pas argumentativement ‘anecdotique’, l’article défini impose le
ton du monde » justifient à elles seules l’idée d’une grammaire
qui prenne en compte en même temps le volet du contenu et celui de
son mode de présentation.
Les articles étudiés véhiculent les mêmes instructions
argumentatives en français et en espagnol, bien que chaque langue
présente des particularités dans leurs possibilités d’apparition.
Des particularités de l’espagnol, nous avons analysé notamment
l’existence d’un article dit « défini neutre » "lo", qui est
pour nous un opérateur argumentatif indépendant, les différentes
contraintes imposées par les verbes copulatifs "ser" et "estar", et
le verbe impersonnel "haber" (il y avoir).
La question du rapport entre les couches du sens est très complexe.
Les analyses réalisées font croire à l’autonomie des couches : la
valeur de l’article dans la couche argumentative peut être
calculée indépendamment du type de lecture que l’on fasse du GN
dans la couche référentielle (par exemple, pour le GN défini :
référentielle, attributive, spécifique, générique, etc.). Nous
montrons en outre que certains problèmes typiquement abordés avec le
prisme référentiel, peuvent trouver une solution argumentative.
Ainsi, certaines restrictions dans la construction des dites «
chaînes référentielles » (cf. Céline a maintenant un emploi. # La
jeune fille est contente.), ou dans celle des anaphores "un" < "le",
qu’elles soient fidèles, infidèles ou associatives.
En dernière analyse, cette thèse étudie le rôle méconnu des
articles dans la couche argumentative du sens, en essayant de mettre
en place une grammaire argumentative de la phrase qui gère
l’interaction des contraintes imposées par les différents
éléments de la phrase, à la fois sur la fonction de chaque terme
dans la constitution du contenu argumentatif que l’énoncé
communique, et sur le ton associé à ce contenu.
Références
Carel, M. et Ducrot, O. (1999) « Le problème du paradoxe dans une
sémantique argumentative », in O. Galatanu et J.-M. Gouvard (éds.),
Langue française, 123, p. 6-26.
Carel, M. (2005) « La construction du sens des énoncés », Revue
romane, n° 40-1, p. 79-97.
Carel, M. (2008) « Polyphonie et argumentation », in Hommage à
Henning Nølke, Peter Lang, sous presse.
Ducrot, O. (1984) Le dire et le dit, Paris: Minuit.
Galmiche, M. (1986) « Référence indéfinie, événements,
propriétés et pertinence », in J. David et G. Kleiber (éds),
Déterminants, syntaxe et sémantique, Paris: Klincksieck, p. 41-71.
Genette, G. (1972) Figures III, Paris : Minuit.
Guillaume, G. (1964) Langage et sciences du langage, Paris, Québec.
Jayez, J. (2005) « How many are several ? », Indefinites and Weak
Quantifiers, Bruxelles, 6-8 janvier 2005.
Kleiber, G. (1981) Problèmes de référence. Descriptions définies et
noms propres, Paris: Klincksieck.
Lawler, J. (1973) « Studies in English Generics », University of
Michigan Papers in Linguistics, 1.
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