Séquences étendues, activités complexes dans l'i nteraction

Clara Romero ulysse21fr at YAHOO.FR
Fri Dec 8 12:08:25 UTC 2006


De: Veronique Traverso <Veronique.Traverso at univ-lyon2.fr>


  Journée du Conscila


  Séquences étendues, activités complexes dans l'interaction


  organisée par Véronique Traverso (CNRS, ICAR-Lyon)


  Vendredi 15 décembre 2006
  de 10 heures à 18 heures
  ENS, 29 rue d'Ulm, Paris 5ème
  (salle Jules Ferry)


  Cette journée est consacrée aux travaux sur l'interaction. Dans ce champ de recherche, les
  méthodologies sont plus développées et plus stabilisées pour l'étude des structures locales
  (échange, paire adjacente, phénomènes locaux de type réparation, préliminaires, etc.) que pour
  celle des "longues séquences". Si les séquences d'ouverture et de clôture de l'interaction font
  exception — puisque nous disposons pour leur description d'un certain nombre d'outils
  descriptifs opérationnels — c'est qu'elles se laissent décrire, sans trop de difficultés, à partir des
  structures locales qui les composent (suite de paires adjacentes par exemple).
  Les "longues séquences" auxquelles nous nous intéresserons dans cette journée se
  caractérisent par des structures complexes, dont la description à partir des structures locales
  n'est pas suffisante (par exemple "se plaindre dans l'interaction", "prendre un rendez-vous pour
  une prochaine réunion", etc.). Elles sont désignées de diverses manières dans la littérature :
  "séquences étendues" (Psathas, 1992), "macro-échanges" (Kerbrat-Orecchioni, 1990), "big
  packages" (Sacks 1992), "clumps" (Schegloff, 1990) etc. Elles peuvent aussi être abordées
  comme des "événements de communication" ("speech events", Hymes 1972) ou des types
  d'activité ("activity types", Levinson 1992), notions à partir desquelles peut être retrouvée la
  question des genres.
  Sur le plan méthodologique, ces séquences posent de nombreux problèmes concernant leur
  identification et leur description, problèmes résolus de façons parfois fort différentes :
  reconnaissance de la séquence par les participants et/ou par le chercheur ; critères
  d'identification ; description partant du local (suivant la progression temporelle de l'interaction)
  ou du "tout" que constitue la séquence ; lien de cette "unité" à ce qui l'englobe ; critères
  descriptifs (frontières, rôles engagés, etc.)
  La journée entend permettre une discussion autour des méthodologies d'analyses proposées
  par les chercheurs. Les contributions comporteront, outre une proposition méthodologique, une
  analyse d'un type de "longue séquence" particulier à partir de données.


  Intervenants:
  Marianne Doury, Laboratoire Communication et Politique, Paris, doury at damesme.cnrs.fr
  Laurent Filliettaz, Université de Genève, Laurent.Filliettaz at pse.unige.ch
  Renata Galatolo, Université de Bologne, renata.galatolo at unibo.it
  Catherine Kerbrat-Orecchioni, ICAR Lyon, Catherine.Kerbrat-Orecchioni at univ-lyon2.fr
  Sabine Klaeger, Université de Bayreuth, Sabine.Klaeger at uni-bayreuth.de
  Lorenza Mondada, ICAR Lyon, Lorenza.Mondada at univ-lyon2.fr
  Véronique Traverso, ICAR Lyon, Veronique.Traverso at univ-lyon2.fr


  Programme
  10h00-10h30 Séquences étendues, activités complexes dans l'interaction : présentation
  V. Traverso, ICAR, CNRS
  10h30-11h30 Analyse d’une activité professionnelle: contraintes externes et modalités locales de structuration et de coordination.
  R. Galatolo, Université de Bologne
  11h30-12h30 Les unités de l’argumentation : un exemple de séquence étendue argumentative
  M. Doury, CNRS, Laboratoire communication et Politique
  Pause déjeuner
  14h00-15h00 La séquentialité de l’action comme objet d’enseignement 
  L. Filliettaz, Université de Genève
  15h00-16h00 La segmentation d'activités complexes comme un problème pratique des participants
  L. Mondada, ICAR, Université Lyon 2
  Pause
  16h30-17h30 « Messieurs vos mains sont tachées du sang de vos victimes » : les actions imaginaires
  S. Klaeger, Université de Bayreuth
  17h30-18h00 Discussion C. Kerbrat-Orecchioni, ICAR, Université Lumière Lyon 2


  Résumé des communications


  Marianne Doury
  CNRS, Laboratoire Communication et Politique
  Les unités de l’argumentation : un exemple de séquence étendue argumentative
  On partira de la notion de situation argumentative proposée par Plantin (1993), qui renvoie au
  fait que l’argumentation naît de la confrontation de réponses antagonistes à une question, dite
  rhétorique. L’analyse du discours argumentatif doit articuler des catégories d’analyse
  spécifiquement argumentatives (par exemple, une logique de répartition des rôles discursifs liée
  à la question de la charge de la preuve, la production de mouvements discursifs comme la
  concession ou la réfutation, la mobilisation de schèmes dont la cohérence, proprement
  argumentative, renvoie à la notion de type d’arguments), et des catégories d’analyse dépendant
  du type de discours dont relèvent les données étudiées (recours privilégié à l’analyse du
  discours pour des textes écrits, à l’analyse des conversations pour le discours oral en
  interaction).
  A partir de l’analyse d’un fragment d’interaction, on abordera concrètement la question de la
  détermination des niveaux de structuration de l’argumentation et des unités argumentatives
  correspondant. On montrera que la structuration de certaines séquences interactionnelles ne
  peut être restituée en dehors d’une perspective argumentative.


  Laurent Filliettaz
  Université de Genève
  La séquentialité de l’action comme objet d’enseignement : l’accomplissement interactionnel du
  trempage de l’acier en situation de formation professionnelle initiale
  Comme le précise le texte de cadrage, la tradition de l’analyse conversationnelle a largement
  contribué à envisager les phénomènes langagiers dans leurs dimensions « pratiques »
  (Mondada, 2004). Elle constitue donc aujourd’hui incontestablement une contribution de
  première importance aux approches praxéologiques du discours et de l’interaction. Pourtant, si
  les processus de séquentialité, d’accomplissement et de coordination qui constituent des
  éléments clés de ses observables semblent bien être conceptualisés comme des « actions »
  mutuellement interprétables, l’analyse conversationnelle a produit à ce jour peu de catégories
  analytiques (et à dessein) permettant d’envisager les pratiques sociales conjointes (l’interaction
  de service, la résolution de panne, la consultation médicale, la leçon, etc.) comme des systèmes
  d’activités organisés, possédant leurs « cadres interprétatifs » propres (Goffman, 1974) et
  projetant une organisation séquentielle spécifique.
  Dans le prolongement de ce constat et dans le but d’ouvrir un débat de fond avec les tenants de
  l’analyse conversationnelle, cette contribution à la journée aura pour objectif de montrer que la
  problématique de l’action et son rapport à l’étude des processus interactionnels ne s’épuise pas
  dans la notion « d’accomplissement pratique », dont les catégories langagières (la préséquence,
  la question, la réparation, l’ouverture, la clôture, etc.) seraient une illustration. Au
  contraire, nous chercherons à montrer qu’une prise en compte de l’activité comme une forme
  d’organisation sociale particulière constitue un grain d’analyse pertinent de l’étude des
  interactions verbales et qu’elle peut être envisagée en tant que telle (Filliettaz, 2002). Dans cette
  logique, il s’agira non plus seulement de considérer la séquentialité conversationnelle comme un
  accomplissement pratique et situé mais d’envisager la dynamique du discours en interaction
  comme la médiation d’une activité sociale particulière, collectivement identifiable et elle-même
  séquentiellement organisée.
  Pour illustrer notre propos, nous recourrons à des données audio-vidéo enregistrées dans un
  centre de formation professionnelle à l’occasion d’un cours pratique de mécanique générale
  adressé à des apprentis débutants. Plus particulièrement, nous étudierons une séquence
  d’interaction entre un moniteur et un petit groupe d’apprentis, et portant sur l’enseignement du
  trempage de l’acier. Cette objet d’enseignement nous intéresse particulièrement en ce qu’il
  présente une structure séquentielle propre, dont la transmission aux apprentis constitue
  précisément l’enjeu de l’interaction didactique : pour être adéquatement « trempées », les
  pièces en acier doivent subir un ensemble de transformations ordonnées de manière stricte. A
  ce propos, nous montrerons comment l’activité de trempage est temporellement organisée et
  comment le moniteur s’y prend, à la fois verbalement et non verbalement, pour rendre ces
  propriétés temporelles interprétables pour les apprentis.
  Cette étude de cas nous permettra de plaider en faveur d’une prise en compte des systèmes
  d’activités de référence dans l’analyse des interactions verbales et de souligner plus
  généralement la valeur heuristique des interactions en situation de formation professionnelle
  pour la recherche sur les processus d’interaction en général.
  Références bibliographiques
  Filliettaz, L. (2002). La parole en action. Eléments de pragmatique psycho-sociale. Québec :
  Nota bene.
  Goffman, E. (1974). Frame Analysis. New York : Harper & Row.
  Mondada, L. (2004). Temporalité, séquentialité et multimodalité au fondement de l’organisation
  de l’interaction : le pointage comme pratique de prise de tour. Cahiers de linguistique française,
  26 : 269-292.


  Renata Galatolo
  Université de Bologne
  Analyse d’une activité professionnelle: contraintes externes et modalités locales de structuration
  et de coordination.
  Dans cette communication, je propose l’analyse d’une activité professionnelle à partir de
  données vidéo. Les données se réfèrent à l’activité de préparation des repas, par deux
  cuisinières, dans la cuisine d’un restaurant italien. L’analyse a le but principal de montrer et
  analyser la structure de l’activité à deux différents niveaux: l’un, plus général, décrivant les
  phases principales de l’activité de préparation des repas et sa place dans le contexte plus
  général de l’activité du restaurant et l’autre, plus local, décrivant les modalités locales, et
  souvent implicites, de structuration et de coordination de l’activité par les participants.
  La description de ces deux différents niveaux se base sur deux points de vue différents: un point
  de vue externe, dans le cas de la description plus générale, à partir de la vision des données et
  de l’observation ethnographique du site et de l’activité, et un point de vue interne, celui des
  participants, dans le cas de la description de la structuration et coordination locale de l’activité.
  En particulier, l’analyse se focalisera sur les modalités de la « traduction » des bons de
  commande dans l’action collective et sur leur rôle dans la coordination des cours d’action des
  deux cuisinières.
  Si l’utilisation des bons de commande a la fonction de faciliter la coordination entre les deux
  cuisinières et entre les cuisinières et ceux qui s’occupent du service (on voit dans les données
  qu’ils ont la fonction de repère pour tous les participants), l’analyse détaillée des données vidéo
  montre que les séquences discrètes représentées dans les bons de commande sous forme
  d'une liste des plats à preparer pour chaque table ne correspondent pas à des séquences
  significatives pour la structuration de l’activité. Elles ont la fonction de contraintes et elles
  disciplinent l’activité, mais celle-ci semble plutôt être structurée en cycles prolongés de
  préparation de plats, cycles dont le début et la fin son reconnaissables par des suspensions
  momentanées de l’activité pendant lesquelles un ou plus participants s’arrêtent pour faire une
  mise au point. La liste des plats sur le bon de commande représente ainsi plus ce qui se passe
  dans la salle, l’ordre avec lequel le serveur porte les plats et l’ordre de consommation des plats
  par les clients, que la structure de l’activité dans la cuisine. Celle-ci est structurée en cycles
  d’activité qui sont déterminés par des raisons d’ordre pratique liées à l’organisation de la cuisine,
  telles que la nécessité de préparer simultanément le même type de premier plat pour différentes
  tables ou le nombre maximum de premiers plats qui peuvent être cuits simultanément selon le
  nombre disponible de paniers pour la cuisson des pâtes. Les bons de commande semblent ainsi
  avoir une fonction de ponctuation de ces cycles étendus d’activité. Les participants se servent
  des bons de commande pour restructurer rétroactivement les cycles d’activité en séquence
  linéaires et discrète fonctionnelles au service.


  Sabine Klaeger
  Université de Bayreuth
  « Messieurs vos mains sont tachées du sang de vos victimes » : les actions imaginaires
  Dans ma communication, je vais présenter des morceaux d’interaction que j’appelle des «
  actions imaginaires ». Il s’agit de petites mises en scène qui montrent le traitement conscient par
  un groupe de squatteurs lyonnais de ses propres valeurs et normes de comportement. Il
  parvient à se distancer de celles-ci de manière ludique tout en les confirmant et en les
  consolidant.
  Les membres font allusion au savoir partagé du groupe (ce qui se montre entre autres à travers
  l’intertextualité qui peut y jouer un rôle) et soulignent ainsi leur familiarité avec les sujets et les
  interprétations correspondantes, ainsi que le caractère intime de leurs relations. La cooperation,
  la construction collective, est un élément crucial de ces moments de « délire » et sera décrite en
  detail.
  Je distingue entre différents types d’actions imaginaires : l’auto-exaltation dans une image
  positive dans laquelle le groupe se complaît, l’auto-stylisation dans une image négative, et
  l’appropriation et la ridiculisation des normes de la société.


  Lorenza Mondada
  ICAR, Université Lumière Lyon 2
  Lorenza.mondada at univ-lyon2.fr
  La segmentation d'activités complexes comme un problème pratique des participants
  Dans cette intervention, nous nous pencherons sur un problème qui est souvent considéré
  comme relevant typiquement des pratiques de l'analyste: le découpage du corpus en unités.
  Nous le traiterons toutefois dans une perspective différente, en montrant qu'il s'agit d'un
  problème que les participants eux-mêmes ont à résoudre, afin d'organiser de manière intelligible
  et sensée leurs activités. En effet, les participants s'orientent vers ce que l'on pourrait appeler
  des "phases d'activité" qui articulent la temporalité globale de ce en quoi ils sont engagés; ils
  s'orientent aussi vers l'accomplissement de la clôture d'une phase et de l'ouverture de la phase
  suivante, dans des "pratiques de transition" qui peuvent prendre plus ou moins de temps, ainsi
  que se passer en parallèle avec d'autres activités ou bien en les concurrencant. Nous
  donnerons quelques exemples de ces pratiques de transition, dans l'objectif de montrer que la
  segmentation d'activités complexes est un accomplissement pratique localement organisé par
  les participants et dans le but d'explorer les ressources linguistiques et multimodales qui y
  interviennent.



  -------
  Message redirigé par le relais d'information sur les sciences de la cognition (RISC) sans virus
  http://www.risc.cnrs.fr 
-------------- next part --------------
An HTML attachment was scrubbed...
URL: <http://listserv.linguistlist.org/pipermail/parislinguists/attachments/20061208/18a25469/attachment.htm>


More information about the Parislinguists mailing list